Sortie des brumes de mon enfance, voici Angèle, ma grand mère maternelle. Descendante d’un Rottier de la Guichardière, je n’ai jamais su si elle était allée à « l’école du diable » (la laïque) ou à l’école des bonnes sœurs pendant son enfance. Selon ma mère, la trace de cette noblesse d’Empire ne figurait déjà plus dans son état-civil. Ses petits-enfants l’appelaient Mémé « de Rohan » pour la différencier de notre  autre grand-mère (paternelle), laquelle vivait dans un petit bourg morbihannais considéré par les habitants de Rohan comme un trou perdu. Angèle avait épousé Auguste Gabillet, tailleur de son état. En gallo un « gabillet » c’est un petit farceur. Ce qui n’était pas du tout sa caractéristique. Auguste, homme sec et autoritaire, s’infligeait en effet des horaires spartiates. Il obligeait sa famille à vivre de manière frugale. Dîner à 18 heures, coucher à 19 heures. Et, en été, je me souviens que je devais lui lire un extrait du Fil de l’épée de Charles De Gaulle, chaque soir. Beaucoup plus sociable que son époux, ma grand-mère, couturière à domicile, avait pignon sur rue à l’exact centre du village, entre église et rue principale. C’est de son atelier donnant sur la « Petite rue » (ou rue du Cuir Vert), qu’aboutissaient les ragots du canton de Rohan. Angèle était une femme croyante et pratiquante, très maternelle à mon égard. Comme je le dis dans la chanson qui lui est consacrée, elle venait le soir m’apporter un verre de lait et une pâte de fruits, s’agenouillant auprès de mon lit jusqu’à ce que j’aie fini de réciter ma prière.

Retour