Textes : Michel DRÉANO

 

HOMMES SENSIBLES DES QUARTIERS

 

Des hommes

 

Hommes des pays lointains,

Venus plein de courage,

Louer leurs millions de mains

Au fond d'obscurs passages

Travailler le ouiquenne

Jusqu’à plus d'heure limite

Aux chantiers d'hommes de peine

Des cités de transit...

Naufragés, rescapés

Des sables et de l'enfer

Des bateaux surchargés

Qui se retournent en mer

Survivants déchirés

Comme un vieux survêtement

Sur le fil barbelé

Des frontières d'occident...

 

Marabout bout de ficelle,

Celle  du roi des griots

Qui ramasse à la pelle

Les potins, les ragots

De la Ville Lumière

Brillant de tous ses feux

Pour cacher la misère

Des parias des banlieues

Comme eux, je rêve en vers

De chevaucher l’étoile

Perspective cavalière

D’une  cité idéale

Où l'étrange étranger

D’ici ou bien d'ailleurs

Enfin n'est plus logé

À l'enseigne de la peur


 

 

Pourquoi ne peut-on pas vivre là ?

 

Majeur et vacciné au 9.3. Saint-Denis

Gaulois, reubeu, renoi, c’est ton bled c’est ton nid

Des tchatcheurs du quartier tu te crois le meilleur

Tu refuses l’étiquette des banlieues de la peur

Dans le creux de tes poings y’a une envie de crime

Mais tu programmes ton casse au magasin des rimes

Tu balances en cadence les nouvelles,les échos

Les brûlots des rebelles sous les panneaux Decaux
De ta plume assassine tu coupes l’éditorial

Tu persistes et tu signes, ton fanzine, ton journal

Oui ton style a la rage des griots de cité

Depuis que se propagent les incivilités...

 

Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ? Poum pah

Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ?

 

Tu dénonces le système qui a détruit ton père

Chômeur de cinquante ans qui se tait qui se terre
Et pour toi pas question de faire comme lui
De te tuer au boulot dans la graisse et la suie

Tu rêves de châssis grand sport et de merveilles

De filles que tu câlines sur la plage au soleil

Tu cours en solitaire, tu cultives ton corps

Mais tu n’as que ton flow pour crever le décor

Dans ta cité blindée, anonyme et sans âge
A coulé sur ton coeur l’ombre noire de ta cage
Et le ghettoblaster des surdoués de la zone

De sa basse te décoll’ la plèvre et les neurones

 

Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ? Poum pah

Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ? 

 

Tu craches sur la racaille qui se fait une tir’-lire

A grands coups de bastons et de vols à la tire

Tu blâmes ces chacals qui trempent dans le deal

Qui veulent jouer les caïds,les sultans de la ville...

Mais quand la jeunesse bouge dans les quartiers chagrins

Et que la colère couve excitant les villains

Tu te solidarises avec ces nouveaux gueux

Qui pillent la marchandise qu’on étale sous leurs yeux

Tu mets dans le même sac la classe politique

Tu te demandes pourquoi voter pour des cyniques

Ils ne font que ruser et s’comportent comm’ des lâches

Alors tu réagis et tu balances ta tchatche...

 

Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ? Poum pah

Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ? 

 


 

Le vétéran rap

 

Me vl’à ! Je m’présente : je ne suis pas Rimbaud

Je n’suis pas un racaille, je n’suis pas un barbeau

Je suis un vétéran qui règne dans son domaine

Mon jardin des Tuileries c’est le Parking Verlaine

Je me fais journaliste et je te la raconte
Cette histoire authentique des cités de la honte

Dans mon vieux quartier nord mon style il a la cote

Made in 93, c’est pas de la camelote.........................

Je suis vraiment accro aux puls’ de la Grosse Pomme

Au son New York City des M.C. qui dégomment

Mais je travaille aussi ce bop french que tu aimes

Qui passe sur les réseaux des chaînes et des FM...

et ça donne queq’chose comme ça :

« Dans les cités où ca hip-hoppe, hop, hop

Ca pulse, ça groove et ça syncope, bop, bop

Dans les fiestas des boums des potes, top, top

Qui mène la danse ? Captain K Pote, Pol Pot

C’est assez glauque l’amour kleenex, Who’s next ?

Mais les virus n’aiment pas l’latex, tex-mex

On s’éclate sur du funk, du zouc, très plouc

Ou bien du raï Cheb Nicomouk, au souk… »

Poum pah ah poum poum pah (bis)

......Je bosse au tri postal pour m’payer le sampler

De façon que mon son prenne toute son ampleur

Je programme des rythmiques sur un vieil Atari

Et je rêve de gloire, de conquérir Paris.

Je dénonce les discours, les clichés des médias

Sur la vie de banlieue qui court à hue, à dia

Je blâme les reporters qui sèment la panique

Décrivant les cités comme des ghettos ethniques

Mais quand ces fils de bourges jouent à se faire peur

Je leur fais visiter mon palace, ma demeure...

(parlé) : et je leur chante  :...

Dans les cités où ça  hip hop comm’ dirait Boris ça poulope

Y’a d’la break danse  dans les sous sols, des Picasso d’l’aérosol

Des black blancs beurs qui sont heureux et des bébés areuh areuh

 Poum pah ah poum poum pah...

Je rêve d’un vrai métier, pas d’un stage inutile

Et que mon grand ensemble mette le cap sur les îles.

Dans ma cité larguée où le front grimpe au score

Quand j’vois les poulardins rappliquer dans l’décor

Je me dis que les jeunes ont d’la misère en France

Que si c’est pas le Bronx, c’est pas non plus Byzance.....

Je me fais journaliste et je te la raconte
Cette histoire authentique des cités de la honte

Dans mon vieux quartier nord, mon style il a la cote

Made in 93, c’est pas de la camelote......

Super dédicace à Victor Hugo, yo !

 

 

 

Bicentenaire 89 (Faune autochtone)

 

Les autochtones de la nuit payés par les feuilles à scandale

La star déchue, lunettes noires, qui  leur lit Valéry Larbaud

Le hasard pur ou objectif pour une rencontre capitale

La Tour Saint-Jacques ou le Pont Neuf pour une interview de Garbo

 

La traduction simultanée en poésie de l’insolite

La Seine qui fait sa toilette pour le congrès des crevettes roses

Le bel été du bicentenaire et son message cosmopolite

Le carnaval des mosaïques et la fraîcheur de ceux qui osent...

 

Si mon jazz te frise c’est la faute à Aziz

Si mon swing t’imbibe c’est la faute à Habib

Si ma soul te soûle c’est la faute à Djelloul

Si mon rap te traque c’est la faute à  Tarak

Si ma chanson rime c’est la faute à Karim

Et quand c’est dans la poche ben grâce à Gavroche !

 

La faune du dernier métro, voiture-balai des noctambules

Les doigts de fée d’une harpiste au Jeu de Paume des Tuileries

Le clapotis du bateau-mouche quand les enfants soufflent des bulles

Le jazzeman de vingt-cinq berges qui répète son blues de Paris

 

Le charbon noir des idées-flèches sur la page blanche du synopsis

Le scénario a pour héros un  Kabyle nommé Belkacem

L’envie de faire comme Wim Wenders un film sur une petite Alice

Mais une chanson c’est plus facile, faut qu’j’la dépose à la Sacem...

 

Si mon jazz te frise c’est la faute à Aziz

Si mon swing t’imbibe c’est la faute à Habib

Si ma soul te soûle c’est la faute à Djelloul

Si mon rap te traque c’est la faute à  Tarak

Si ma chanson rime c’est la faute à Karim

Et quand c’est dans la poche ben grâce à Gavroche !


 

 

Raggamuffin dans l’air

 

Dans les banlieues où ça s’métisse

Y’a des humains couleur réglisse

Qui savent bien qu’on rase pas gratis

Dans les années quatre-vingt-dix

Y a du black mic mac qui s’esquisse

Y a des combines de fils de vice

Y a des Lolitas en levis

Supersexy et sans malice

 

Y’ a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air,

Y’a du raggamuffin dans l’air ca déstresse bien et c’est binaire

Y’a du raggamuffin dans l’air, ya du raggamuffin

Y’a du raggamuffin dans l’air c’est une vitamine

Y’a du raggamuffin dans l’air c’est une vitamine 

 Y’a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air

Y’ a du raggamuffin dans l’air, ça nous aère l’atmosphère

 

Dans les banlieues où ça s’métisse

Y’ a des rockers qui aiment  Elvis

Ya des rappers qui le haïssent

Y’a des taggers qu aiemment Matisse

Y’a des maçons qui se noircissent

Au Picon-bière ou au pastis

Ya des garcons qui s’affranchissent

Et qui veulent croire en la justice

 

Y’ a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air,

Y’a du raggamuffin dans l’air ca déstresse bien et c’est binaire

Y’a du raggamuffin dans l’air, y a du raggamuffin

Y’a du raggamuffin dans l’air c’est une vitamine

Y’a du raggamuffin dans l’air c’est une vitamine 

Y’a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air

Y’ a du raggamuffin dans l’air, ça nous aère l’atmosphère


 

 

Dans ma cité en 2010

 

Dans ma cité en 2010

Tagine poulet et cassoulet

Couscous mouton, bœuf bourguignon et mironton

J’te dis qu’y a des liens qui se tissent

J’te l’jur’ sur la têt’ de mon fils

Hey ! Y’a pas que les kakous réacs, PMU tacotac, buveurs de Kro en pack

Y a tous les camarades de la dalle et d’Attac qui pour les démunis se battent comme des cracks

Dans ma cité y a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air, etc, etc…


 

 

Le meilleur des mondes

 

Je me faufile en ville entre ruelles et blocs

Autour de moi ça crisse, tous les sons s’entrechoquent

Des cyclistes pressés, un mouchoir sur la bouche

Des passantes aguichantes qui me frôlent et me touchent              

Dans la foule

Qui me saoule

Dans les mégalopoles si les filles sont maigres

C’est que la chair est triste et se vend à la pègre

Moi je rêve d’aventures et je veux tourner les pages

De poèmes électriques sur la route sans âge
En plein rut

À Duluth

Minnesota
Mais tout cela n’est qu’un rêve
Je n’ai pas trouvé l’emplacement de la maison d’enfance de Robert Zimmerman, alias Bob Dylan. Et je me réveille dans ma chambre de bonne du boulevard Kellerman

Et ainsi va ma vie (bis)

Me voilà reparti

À courir le matin

Vers un job incertain

À l’aube désolée

Portillons assaillis

Nez et bouches déformées

Par les vitres haïes

Et ces traces de l’autre

Dans les rames bondées

Et la promiscuité

Du corps des passagers

Je me mets à rêver…

…  Putain ! J’ai encore raté ma station !

De nouveau les couloirs

La houle de la foule

Le grand brassage gris sous les néons. De haute tension

Voltages et voltiges d’attachés case de luxe et de baise-en-ville de contrefaçon

Puis c’est le plan séquence en travelling latéral de l’escalier roulant

Où de jeunes assistantes osent un rouge amarante sur leurs lèvres boudeuses

Sous le regard stupide d’un modèle masculin qui sourit sur l’affiche devant une fondue

Fondu au noir. Ouverture à l’iris

Une passante aux yeux de biche débouche au matin dans la clairière urbaine

Son parfum subtil et pénétrant qui flotte encore. Dans la rue. À l’aurore. Comme un dernier répit. Avant la cavalerie. La grande ruée vers l’os et le nerf de la guerre de l’argent et du plomb. Voilà c’est reparti. La grande horlogerie du labeur à heure fixe

Il faut mettre sous presse et sous stress. Pendant que les puissants consultent leurs écrans, leurs courbes et leurs chiffres et répètent à l’envi que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu’ainsi va la vie. Et ainsi va ma vie …


 

 

Un cador à col blanc  (Le cerbère de la Défense)

 

C’est un big boss de l’assurance

Service contentieux La Défense

Il croqu’ du risque et du bonus

À lui les franchis’, les malus

C’est pas le genre à faire une fleur

Aux motards, aux jeun’ conducteurs

Il ronge les alinéas

Et il dévore les contrats…

…Ouais…

…Il traque fraud’ et escroqu’ries

Dans les polic’ d’assurance-vie

Chasseur de prim’s jusqu’à plus d’heures

Pour le beurre et l’argent du beurre,

Il flair’ les clauses non garanties

Dans les affair’ louch’ d’incendie

Et se déchaîne de  5 à 7

Amphés, cafés et cigarettes…

 

Lui c’est un cerbère à col blanc

Comme un cador, il court tout l’temps…

 

Très vite il eut un’ promotion
Au consortium pour sa gestion

Alors le chien se fit dragon
Assuré contre les typhons

En roi des paradis fiscaux

On le vit dans un hélico

Décollant du haut d’un gratt’-ciel

Vers des îles ou des archipels…

…Mais…

… La Mafia l’avait repéré

Et elle sut le retourner

Blanchir l’argent sal’ des tripots

Ca changeait du dégât des eaux

Il brassa des somm’ colossales
Du Lichtenstein aux Iles Marshall

Et puis ce fut la cocaïne

Pour le cartel de Medellin…

 

Lui c’est un cerbère à col blanc

Il fraye avec les gros ruffians…

 

Dans les eaux troubles de l’argent

Y’a des gagnants et des perdants

Et le col blanc en savait trop

Sur le Parrain des casinos
Il écopa de douze balles

Dans le poitrail et au final
On le coula dans le béton

D’un grand immeuble en construction…

…Mais…

…Se sachant guetté par des tueurs

Dans un geste de grand seigneur

L’ex-assureur très prudemment

Avait signé son testament

Au codicille stipulant :

« N’ayant ni femm’ ni descendant,

Je lègu’ mes biens et mon argent

Eh oui ! À Droit au logement 

Vous avez bien lu : Droit au logement » !

 

C’est plus un cerbère à col blanc

C’est un héros dorénavant…


 

 

La petite Annamite

 

La petite

Annamite

De ma rue

Dont j’aime la

Soupe Pho a

Disparu…

…Rue de Tourtille

À Bell’ville

On enquête

Chez N’Guyen Vinh

Et Chi Ho Minh

Deux vieux Viets…

 

Mais les Chinois

Langue de bois

Nous pipeautent

Et l’enquête

Des pipelettes

Ca capote…

… Je prends mon cou-

Rage à mon cou

Et je dis

Qui m’aime me

Suive même

Dès lundi 

 

Chez Mohamed 

Au bar du bled

Je boss’ fort

Autour d’un thé

À la menthe

Je phosphore…

…Est-elle pâle à

L’hôpital à

Saint-Louis ?

Ou bien la proie

Des Yakusas ?

Là c’est cuit

 

Je gamberge et

Je m’immerge

Chez les Thaïs

Là pour m’aider

J’ai deux baudets

Pour flicaille…

…Et me voilà

Dans de beaux draps

Rue d’la Chin’

À fou-i-ner

Mettre le nez

Aux cuisines…

 

Comm’ ça jasait

À l’Elysée

Notre roi

Se décida

Au branle-bas

De combat

La Mondaine

L’G.I.G.N.

En émoi

Ils ne lâchè-

Re’nt pas l’affair’

On trouva…

 

La petite

Annamite

De ma rue

Avait été

L’sexe à jouer

D’un Landru…

…Un édile

Pédophile

Qui avoua

Nul n’est censé

Se dispenser

De la loi

 

Je crains le pire

Si ce satyr’

L’a brûlée

Dans la ruell’

Aux poubelles

« Circulez »…

…A dit un flic

Énigmatiqu’
En civil

Y a rien à voir

Chez les Blédards

De Bell’ville


 

 

Courtisanes 

 

Ces femm’ là sont des dures à cuire

Comm’ des Diane aux carquois de cuir

Ell’ se préparent pour la chasse

Sous le jupon, y a la cuirasse

Ell’ ne font pas de sentiments,

Ne croient plus au prince charmant

Dans leurs besaces, sous les liasses

De billets doux, y a la caillasse

Ce sont des mantes religieuses

Sous des apparences très pieuses

Ell’ visent le super héros

Pour tirer le bon numéro… Les courtisanes

 

Ell’ ramèn’ leur frais’ tagada

Aux rendez-vous du tralala

Sur les sofas, sous les lambris

Des grands palais du Tout-Paris

Ell’ font monter au septième ciel

Des Rastignac ministériels

Et des bellâtres en talonnettes 

En mal d’amour à la sauvette

Ell’ fourrent lipstick et coco

Dans leur baise-en-ville en croco

Elles n’ont d’yeux que pour des Vuitton

Pas pour des valises en carton… Les courtisanes

 

Elles se refont le portrait

Face au miroir de Dorian Gray

Avant d’enfouir au fond du sac

Cette psyché qui les détraque

Scarlettes ou bien Marie-Chantal

En col Claudine ou en saroual

Mi bécébégé mi caill’ra

Bas résille et signe de croix

Elles ont mis leur photographie

En fond d’écran sur leur ordi

Et les Narcisses midinettes

Rêvent fort dans leurs kitchenettes…Aux courtisanes

 

Ell’ veul’ le pouvoir et le strass

Et mêm’ l’aristo fin de race !

Sapé en Dolce Gabbana

Mais c’est trop tard, ell’ z’ont déjà

L’âge fatal de trente-trois

C’est râpé pour la Un’ de Elle

Les magazines sont cruels
Ils ne font pas dans la dentelle

Et tout finit à la poubelle

Mêm’ les pipol’ métrosexuels !

Au demeurant, sans être fiel,

J’persiste et signe mon libelle… Aux courtisanes


 

 

Sous nos masques de Gilles

 

CHELMI :

-Sous nos masques de Gilles

À Dunkerque et à Lille

On ne croit plus beaucoup

Aux lendemains qui chantent

Et l’on n’boit pour le coup

Pas qu’du thé à la menthe !

Mais on se dit que la musique c’est ce qu’il y a de mieux pour se bouger le cul

Tout en faisant passer nos idées !

Alors salut les carnavaleux de l’hexagone… 

Ca fait plaisir de savoir que, depuis Mulhouse tout près de Bâle,

Y a Mamadou Martin et Zinédine N’Guyen qui marchent vers la capitale

Mais si when in Rome do as Romans do

Va falloir se policer un peu mon p’tit gars !

Et se creuser le citron pour faire passer nos revendications dans les media…

 

LA DARONNE :

-Tu l'as dit bouffi my old chap avec ce vent là qui t’échappe

Du fondement d’un cul saindoux vain Dieu, Montjoie, saint Denis ! Tu te la pètes dans les soirées de l’élite beurrée, bien arrosée,

Et tous ces mendiants sans domicile 

qui tombent à l'eau, qui tombent à l'eau À la tombola des salauds ?

Qu’est-ce que t’en fais ? Hein ?

Est-ce que tu peux continuer à t’en battre les grelots

Quand  l’homm’ de paille touch’ le pactole dans un parking en sous-sol ?

 

CHELMI :

- Bien  sûr  que non et voilà pourquoi,

Sous nos masques de Gilles,

À Dunkerque et à Lille

Et sur les places publiques

De Madrid et d’Athènes

On  scande  tous en choeur, 

Même en période de Carême

 “Que se vayan todos !” .

Qu’ils  s’en aillent tous !

Et si selon les médiatiques

Qui se croient grands communicants

On n’a qu’à la fermer

Alors sachez bien,

Que si vous nous empêchez de rêver on vous empêchera de dormir

On veut pas faire la une des magazines; on veut juste un boulot pas débile et correctement payé…...Je sais, je sais, tout ça c’est très prosaïque

Mais pour écrire des poésies lyriques

Faut déjà avoir la tête hors de l’eau 

Pour tremper sa plume dans l’encrier du ciel…

 


 

Plume d’oie

 

Plume

Doigt

En rêve, il m’arrive de revenir, tel un fantôme, dans la classe où j’ai appris à lire en maternelle. C’était il y a bien longtemps. Au temps des plumes Sergent Major. Et de ce qui va avec. À savoir l’esthétique des pleins et des déliés et le « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ». Le temps des compas qui piquent et des plumiers en bois.

Rose buvard qui boit. Et blouses grises qui tapent sur les doigts.

Bref, sur l’ardoise, la craie s’efface. Le tableau noir est devenu blanc et ma classe est morte. Il est vrai que je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… Depuis, d’ailleurs, on est passé au surligneur. Ensuite au feutre et au marqueur. Dans les couloirs, les souterrains, on a connu l’école du tag et puis du graffiti.

Bon, j’arrête les frais : j’veux pas passer pour un aigri. Et j’aime pas trop la nostalgie.

La litanie des « je m’souviens » ligne 7 bis à Botzaris ou ligne 13 au terminus Saint-Denis-Université. Graffeur, vétéran du rap plus cinq, niveau master. Mais voilà qu’aujourd’hui on essaie de nous fait croire aux vertus de la discrimination positive, version Sciences Pô, en Cheval de Troie de l’élitisme républicain et du combat pour la diversité. Pour qu’exceptionnellement, un Malamine, un Mamadou, fasse la Une des magazines pour son bagout et sa réussite en affaires.

En attendant la pauvreté et le chômage augmentent encore. Tandis que les opérateurs de la téléphonie se font des golden « cojones » avec leurs gadgets post-modernes et leurs disques de platine.

«* Et quand ton Walkman s’ra H.S., tu rachèteras un baladeur, t’auras d’la marque et ça s’ra ‘classe’. Quand j’rembobine, toi tu ‘rewinde’. Moi je suis franc, toi tu es cash. Moi VHS, toi DVD. Moi AVC, toi HIV. Y’a rien à voir, faut circuler ! ».

Sans oublier de communiquer surtout ! Pour être vu. Se faire mousser. Au quart d’heure de célébrité. Alors qu’on n’a jamais autant souffert de solitude que depuis que la communication s’est sophistiquée. Et qu’on en arrive à se demander si les gens ont vraiment envie de crever l’abcès de leurs fixations. Portables, cellulaires et mobiles. Multifonctions, consommation. Faut pas penser : faut acheter ! Et voter avec un texto. Tarif plein pot.

Moi je n’ai pas envie de m’exprimer de cette façon-là. Je veux déposer mon bulletin dans l’urne de la poésie. Et que, des cendres des manuels de littérature, renaisse le phénix des nouveaux troubadours. D’ailleurs, quand mon automne de « old timer » arrivera, je pratiquerai enfin l’alchimie de la poésie. En espérant que le plomb du quotidien se mue, de temps en temps, en or de fraternité. On peut rêver…

Ne dit-on pas que rien ne se crée, rien ne se perd, que tout se transforme indéfiniment ? Au fil de la…

Plume

D’oie.

 

  • La partie en italique doit être dite en imitant la voix grave et métallique de D’ de Kabal


 

 

L’invisible main nous blouse

 

Quand ils auront gagné des millions

Au casino d’Alamo Bay ou de Vegas

Si un jour ils décidaient de les placer
En paquets d’actifs à risques

Ni vus ni connus par le fisc

Sûr qu’ils partiront en fumée

Un soir de grand krach à Wall Street

La déflagration garantie

Et tout ça pour des confetti…

 

Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’.

L’invisible main nous blouse

Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’.

L’invisible main nous blouse…

 

Quand ils auront gagné des millions

À la saut’rie des partis des politichiens

Si un jour on tombait sur un homme intègre

On ne s’rait pas pourtant quitte

Rien ne nous est donné en kit

Mêm’ si l’bond en avant est beau

Quand on espère un grand sursaut
En attendant ben c’est la dèche

Les Caiss’ de R’traite n’ont plus un flèche…

 

Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’.

L’invisible main nous blouse

Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’.

L’invisible main nous blouse…

 

Quand ils auront gagné des millions

Même sur le dos des chômeurs en fin de droits

Si un jour on décidait qu’y en a marre

De leurs magouill’, leurs traqu’nards

On prendrait nos affaires en main

Et l’on se mettrait en Commune

Pour qu’on survive sur la Terre

Vu qu’y a pas d’autres solutions

Que de partager nos rations (et nos passions)

 

Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’.

L’invisible main nous blouse

Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’.

L’invisible main nous blouse…

 

 

 

L’implosion

 

Plan large de la barre que l’on va dégommer

Un monstre de béton que l’on va déraciner

La foule est immobile, caméscopes en faction

Le ministre est venu fêter la destruction

 

Un jeune homme en colère en a gros sur le cœur

Alors face aux micros, devant les magnétos,

Il parle des familles qui ont déménagé

Pour un nouvel exil qui les met en danger

 

Une barre plombée, une mort programmée

On entend le bruit sourd, elle vient de tomber

 

L’implosion n’a duré que deux petites secondes

Si certains applaudissent d’autres pleurent ou s’effondrent

 

Beaucoup portent le deuil des quartiers dévastés

De ces vaisseaux de pierre, de leur ombre portée

Sur la jeunesse enfuie, les amis dispersés

Les rires dans les couloirs et dans les escaliers.

Un cameraman suit le jeune homme en colère

Très gros plan sur ses larmes devant le tas de pierres…

 

Voilà c’est terminé, circulez, circulez,
Il est l’heure  de rentrer rallumer la télé

Pour revoir les immeubles s’effondrer en poussière

Quand des familles sans toit grelottent en plein hiver…


 

 

Tenir les murs

 

Paraît que leurs immeubles sont des bateaux fantômes dans la brume d'hiver...

 

Paraît que leurs immeubles ont le tatouage coriace

Du tag à l'âme de la plus haute tour

De guerre lasse

Ils noircissent les murailles

Du long poème de leurs rengaines voyou

Ca les excite beaucoup

Bien qu'au fond ils soient très doux

Oui parfois ils jettent la pierre

Dans les contre-allées tracées

Au cordeau et à l'équerre des beaux jardins français

Mais ne vous inquiétez pas

Tant qu'ils rempliront leurs cabas

Ils resteront  là

À tenir les murs

Tenir les murs.

 

Paraît que leurs immeubles veulent larguer leurs amarres

Qui les empêchent d'appareiller

Ils en ont marre

D'être entravés  attachés,

Avant de terminer tout de blanc bâchés

Dans un costume de milord

À l'heure de leur mise à mort

Oui parfois ils jettent l'éponge

Dans les vapeurs des alcools

Des poudres et des colles à en perdre la boussole

Mais ne vous faites pas de soucis

Tant qu'ils rempliront leurs caddies

Ils resteront là...

À tenir les murs.

Tenir les murs.

...

Paraît que dans le bâtiment

Quand tout va, tout va vraiment,

Mais rien ne dure indéfiniment

Au prochain soulèvement

Ils seront tous là

À faire  tomber les murs

 

Tomber les murs.

 


 

La mobylette au carnaval des différences

 

Des nouveaux pauvres au Pont d’Tolbiac

Croisent des émirs en Cadillac

Et les clochards d’la Butte-aux-Cailles

Chin’nt quelques thunes aux Laos-Thaïs

En haut des tours de Chinatown

Fils de Phnom-Penh, fill’ de Vientiane

Fa-guo-tché-thaï-lio-ouane-zen-se*  

Neu-fap-donn’-tcha-o-n’gueuill’-ti-nann**

Traduction :

Vogue l’amour, jonques et sampans !

Paname accueill’ des survivants…

 

La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange

Dans le commerce tu mouill’s la ch’mise

Moi j’mang’ tes sushis, tes lychees

 

Considérations esthétiques

Sur le racisme et sa pratique

À la cafète, au restau U

Dans l’arrièr’-salle du P.M.U.

Avec des mots très différents

C’est blanc bonnet et bonnet blanc

Notre vieux pays se sclérose

Et une évidence s’impose…

 

La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange

Et quand Zidan’ marqu’ de la tête

La rue se lève et fait la fête…

 

Mais, depuis 98, y a combien d’octanes au mélange pour que la France enfin décolle 

Et que la République change ?

 

Ouh là ! Là tu me poses une colle !

À Babelville et à Barbès

J’en connais qui en font des caisses

Pour plaire aux gazelles d’Haïti

Qui font les soldes chez Tati

Moi la vérité si je mens

Je suis plus riche qu’un sultan

Quand j’dans’ la biguin’ Plac’ des Fêtes 

Et la salsa rue d’la Roquette…

 

Au carnaval des différences

Elle a tout à gagner ma France
Mon vieux Corneille c’est Byzance

J’ai vu des djeuns’ rapper tes stances

 

 

La France c’est comme une mobylette pour avance faut du mélange

Tu aim’s mon fromage, ma baguette

Moi j’dans’ le raï dans tes baskets

 

La capitale c’est pittoresque

Sono mondiale, rythmes mauresques

Et quand les quartiers font la teuf’

Les franchouillards parient au turf

Sous le fard des Pierrots gourmands

Et des Coluches chocolats
Laissez donc rêver nos enfants

Entre  Bell’ville et Les Lilas

 

Au carnaval des différences

Elle a tout gagner ma France

Mon vieux Corneille c’est  Byzance

Et  honni soit qui mal y pense

 

Mais loin de moi de dire :  ‘Mélangez-vous donc, espèces de dégénérés !

Copulez avec qui vous voulez mais sachez que pour vivre ensemble, en société,

Il faut plus d’un doigt pour manger le poulet…

Quant à la question :  « Que faire pour que la France enfin décolle ? »

Là je réponds : « faut que tout le monde s’y colle ! »

 

New York sur Seine c’est du béton

Pour tous les kids de la Nation

Tu m’plais, t’as l’look Michaël Jackson

On s’fait un’ bouffe, on s’téléphon

Soigne ton styl’ tu s’ ras chébran

Androgyn’ noir, adolescent

T’es punk, techno ou néo-bab ?

Non j’suis chômeur, en plus Arabe

Et j’te paierai un lait framboise

Quand les Maliennes s’ront des Suédoises…

 

La Franc’ c’est comme un’ mobylette, pour avancer faut du mélange

Tu aim’ mon fromag’, ma baguett’

Moi j’fais d’la funk qui chansonnette

Au carnaval des différences les enfants du paradis dansent
Mon vieux Corneille c’est la France

Qui donn’ le la et la cadence.

 

 N.B.

*/MANDARIN

**//VIETNAMIEN


 

 

A cappella roulez jeunesse 

 

Je m’ trimball’ le long des rails

J’ vois personn’ de la journée

Et quand l'estomac m' travaille

Je braconn’ pour mon dîner

Roulez Jeunesse !

 

C’est tout près des rails que j’crèche

L’ tohu bohu du roulis

M’ pouss’ quand j’ regagne à la fraîche

La banquett’ qui m’ sert de lit

Roulez Jeunesse. Choo choo express

 

Y paraît qu’j’suis né là

Dans cette gar’ désaffectée

Dans l’plus strict anonymat

Et c’est là qu’on m’a trouvé

Roulez Jeunesse !

 

Je couch’ dans la sall’ d’attente

J’connais tous les bruits des trains

Des Express et quand ça m’ chante

Seul je voyag’ dans mon coin

Roulez  Jeunesse ! Choo-choo express

 

Allongé sur le ballast

Quand j’regarde le train passer

J’me dis qu’un  jour enfin baste

Ah’  j’pourrais bien m’éclater

Roulez  Jeunesse !

 

Quand je s’rai plus qu’un feu d’ paille

Un souffle pur dans la nuit

J’irai danser sur les rails

Seul au rythme des boggies

Roulez Jeunesse. Choo choo express

 

Je m’ balad’ le long des rails

Et v’là soudain que j’décolle

La cervelle qui défouraille

Des pensées qui fus’t  qui vol’nt

Roulez jeunesse

 

Dans ma gar’ c’est vrai qu’ça caille

Mais faut pas que je picole

Non faut pas que je déraille

Et j’veux pas finir en taule

Rou-lez Jeunesse. Choo choo express

 

J’vais tout vous dir’ en noir sur blanc

J’aime flâner autour des gares
Qui sont ouvertes à tous les vents

Je m’branche sur les courants d’art

Roulez jeunesse

 

Je déclame à tire-larigot

Je bois la nuit quand elle est noire

À chacun son tout à l’égo

Et à tous l’espoir des grands soirs

 

Rou-lez Jeunesse. Choo choo express

 

 


 

Choo-Choo Express (Ferroviaire groove)

 

Je marche sur le ballast et je ronge mon frein

La micheline passe, je l’évite d’un coup d’rein

Croyez pas que j’déraill’ là sur la voie ferrée

J’ai le blues ferroviaire :  j’aime le verbe errer

Je regarde les mômes faisant leurs premières gammes

Avec une bombe au chrome vandalisant les rames

Au mépris du danger pour devenir des hommes

Ils se croient à New York dans l’métro d’la Grosse Pomme…

 

Chop’ le rap de  la gare dans un lieu pas ringard 

Qui pulse et puis qui groove au quai départ du mouv’

 

Je découvre une gare, désaffectée, magique

Où les calligraphies se font cabalistiques

Du lettrage le plus pur à la ligne la plus claire

À la gloire d’une peinture s’exposant en plein air

Je m’initie au style des graffiti-artistes

Qui mettent des couleurs sur la ville aux murs tristes

Déposant leurs brûlures aux friches des terrains vagues

Et sur les palissades envahies par les tags…

 

Chop’ le rap de  la gare dans un lieu pas ringard 

Qui pulse et puis qui groove au quai départ du mouv’

 

Je traque l’inspiration en dansant sur les rails

D’un poème  en action dédié à la canaille

Qui parl’rait des apaches et du cheval de fer

Rim’rait avec panache et sentier de la guerre

Je regarde les avions, je suis leur trajectoire

Qui frôle l’autoroute près de l’aérogare

Le Trans-Europ Express qui bondit dans la nuit

La micheline bondée qui file vers Paris…

 

Chop’ le rap  la gare dans un lieu pas ringard 

Qui pulse et puis qui groove au quai départ du mouv’


 

 

Noctambus blues

 

Là dans la foul’ du Noctambus

La nuit, l’hiver par temps de chien

On y côtoie de  drôl’ de gusses

Le look survêt’, le styl’ Deschiens

Longs cheveux gras, dents ébréchées

Ca sent la sueur sous l’humérus

L’asil’ de nuit, l’sommeil fauché

L’aube douchée à l’Emmaüs…

 

J’ai le blues de la louse…

 

Foul’ bigarrée de jeun’ clodos

Rien ne se dit mais tout se voit

Moi j’gribouill’ avec mon stylo

Les doigts engourdis par le froid

J’écris l’histoire d’un Noctilien

Qui f’rait  la « Rtap’ » jusqu’à Clichy

Sous-Bois du prolo francilien

Dans les effluves Givenchy…

 

J’ai le blues de la louse…

 

Ce Magical Mystery Tour

Nous conduirait vers des merveilles

En zigzaguant entre les tours

Et les bosquets de Montfermeil

Pourtant ces typ’ s’ils se la jouent

Encore un peu le genr’ guerrier 

Ils vous remuent comme un vaudou

Qui roul’ dans leurs yeux d’fox terrier…

 

J’ai le blues de la louse,

J’ai le blues de la louse, noctambus

Blues.

 

 

 

Docteur Tof

 

Un morceau signé Docteur Tof

Programmations et guitares funk

Docteur Tof assure un maximum

Docteur  Tof  vas-y mets la gomme

N’amuse pas l’bitume

Oublie la brume !

DocteurTof vas-y mets la gomme

Docteur Tof maximum

Docteur Tof a les boules, Docteur Tof pas cool

Et pour oublier

La nuit il se met un casque sur la tronche

Et il fait partir les notes bleues

DocteurTof est jazz

Il aim’ ses pulsations

Il a ça sous l’capot

Docteur Tof c’est vraiment Tof
Docteur Tof son taf’ c’est la musique

Docteur Tof c’est « tough » c’est costaud

C’est du Docteur Tof tempo

Docteur Tof, Docteur Tof…


 

 

Patrimoine de banlieue

 

À propos tu connais la nouvelle ?

Il paraît que nos immeubles sont inscrits à l’inventaire des bâtiments historiques !

Moi je n’aurais jamais cru qu’on pouvait classer nos HLM…

De toute façon, toi ça te fait une belle jambe depuis que tu as compris que l’ascenseur social était toujours bloqué au sous-sol et qu’ils veulent tuer tous les affreux, les petits, les gros. Et même les vieux !  Alors moi je vais m’offrir un truc que je remets toujours à plus tard.  Chiche ! Demain je consacre ma journée à visiter la Cité Jardin de Stains et le musée des cultures légumières de La Courneuve…

À propos, ça t’intéresse toi le patrimoine de banlieue ?  Pas vraiment hein…

 

…Ah ça oui : sur les pelouses de la louse t’adore chambrer les étudiants ; ceux qui bachotent, papotent et jasent autour d’un réchaud camping gaz. Pourtant t’as plus le droit de redoubler. En juin, tu vas encore zapper. Ton bac. Et va falloir trimer. Te trouver un job de coursier. Bouffer de l’oxyde de carbone, de l’hydrogène sulfuré. À haute dose, toute la journée, sur une mobylette louée. Qu’il pleuve, qu’il vente, la mauvaise pente. Avec ta caisse de pizzas, tu ne t’économiseras pas. De toute façon t’as pas le choix. Sauf te casser à Ibiza. Ou monter ta petite affaire, le dos au mur avec tes frères. Je ne te fais pas la morale. De toute façon, au bout du chemin, dans dix ans, t’auras encor’ toutes tes dents. Et peut-être bien que c’est toi qui te foutra alors de moi. Moi qui me pèle, de retour des Halles de Rungis, avec mon diplôme bac plus 6, à vendre frites et saucisses…


 

 

Au travers du décor

 

Je m’en vais mon chemin dans cette ville familière

Où je suis né Poissons, ascendant Sagittaire

Je me sens comme un dieu qui a perdu des larmes

Transformées en étoiles pour les besoins du drame

Je m’en vais mon chemin au travers du décor

Je m’en vais mon chemin au travers du décor

Je m’en vais mon chemin au travers du décor…

 


 

Diptyque du désert

 

Souvent je pense à l’oasis

Où un musulman solitaire et aveugle

M’avait accueilli comme un fils

Moi l'infidèle, le libertaire

En me disant comme ça :

 

« Eh ! Roumi ! Sois le bienvenu !

Même si tu mordis dans la pomme de la gazelle défendue

Viens avec moi dans ma guitoune

Et lis-moi l’Histoire d’Hérodote

Qui vit Babylone et l’Afrique

Sache que je fuis le fanatique

Et l’anathème de l’hystérique

Qui n’a que la haine pour viatique

Quant à ces loups de la finance

Et leurs obligations pourries


Qu’ils crèvent de leur arrogance

Et qu’ils s’étouffent dans leur mépris !

Jamais ils ne connaîtront la paix du désert

Quand la nuit dessine l’ombre de l’Aïr sur la dune,

Que des silhouettes jouent du tindé

Et que les palmiers s’étirent vers la lune …

 

 Eh !  Roumi ! Sois le bienvenu !

Même si tu mordis dans la chair du  « jalouf » qui m’est défendu.

Viens avec moi dans ma guitoune

Et je te raconterai l’histoire du chamelier…

 

Sur un dromadaire

Il traverse le désert

Il rêve d’eau de jardins verts

 

La soif a tué ses animaux

Il a perdu tout son troupeau

De ses moutons il était fier

Quand il était berger hier

 

Sur un dromadaire

Il traverse le désert

Et pour lui tout est à refaire

 

Il est devenu marchand

Pour vivre il achète et il vend

A chaque halte dans le Sahel

Il troqu’ le mil contre le sel

 

Il traverse le désert

Où le soleil brûle la terre

 

Le vent se lève soudain

Il entrevoit dans le lointain

Sortis d’un nuage de poussière

Des camions dans un bruit d’enfer

 

En un éclair  il a compris

Pour lui le désert c'est fini

Bientôt la ville et la misère

Il va traverser la frontière

 

À travers

Les barbelés  il voit la mer. 

 

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