Textes : Michel DRÉANO

 

PARIS COULEUR

 

Paris du mélange, pari (s) toucouleur

New York sur Seine c’est du béton

Pour tous les kids de Charenton

Tu m’ plais, t’ as l’ look Michaël Jackson

On s’fait un’ bouffe, on s’téléphon

Soigne ton styl’ tu s’ ras chébran

Androgyn’ noir adolescent

T’es punk, techno ou néo-bab’ ?

Non j’ suis chômeur, en plus Arabe…

Et j’te paierai un lait framboise

Quand les Malienn’ s’ront des Suédoises…

 

La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange

Tu aim’ mon fromag’, ma baguett’ moi j’fais d’la funk qui chansonnette

La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange

Tu n’aim’ pas trop les étiquettes, moi j’dans’ le raï dans tes baskets

 

Des nouveaux pauvres au Pont d’Tolbiac

Crois’ des émirs en Cadillac

Et  les clochards d’la Butte-aux-Cailles

Chin’ quelques francs aux Laos-Thaïs

En haut des tours de Chinatown

Fils de Phnom Penh, fill’ de Vientiane

Et vogu’ l’amour, jonqu’ et sampans

Paname accueill’ des survivants

Des réfugiés comme autrefois

Demain au siècle vingt un : combien de migrants du climat ?…

 

La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange

Tu aim’ mon fromag’,ma baguett’, moi j’ fais d’ la funk qui chansonnette…

La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange

Dans le commerce tu mouill’ la ch’mise, moi j’mang’ tes sushis, tes lychees

 

Considérations esthétiques

Sur le racisme et sa pratique

A la cafette, au restau U

Dans l’arrière-salle du P.M.U.

Avec des mots très différents

C’est blanc bonnet et bonnet blanc

Mais faudrait changer de focale

Pour retrouver l’élan vital

Sinon le pays se sclérose

Alors que l’évidenc’ s’impose :

 

La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange

Tu aim’ mon fromag’,ma baguett’, moi j’ fais d’ la funk qui chansonnette…

La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange

Et quand Zidan’ marqu’ de la tête, la rue se lève et fait la fête.

 

 

 

La laundrette

 

« Tous les dimanches de 5 à 7 plutôt  qu’d’aller au cinéma je lav’ mes ch’mises et mes chaussettes. C’est une des joies du célibat. Assis sur une chaise en plastique, j’regarde mes fringues s’envoler ; mille tours minutes c’est fantastique et je me perds dans mes pensées…

Alors j’ rêve que …

…Je fréquente un’ chouette laverie

Automatique, propre et coquette

Dans un quartier qu’on démolit

J’l’appelle “ma beautiful laundrette”

Dans cette Babel du textile

Où les tambours mènent le bal

De splendides femmes défilent

Et je voyage sans escale....

A Yanaon, à Karikal, à Mahé, à Pondichéry

A Chandernagor, au Bengale, je peux rêver dans ma lav’rie...

 

Tournez satins, cotons, madras,

Derrière le hublot des machines

Valsez, valsez, chiffons de strasse,

Belles dentelles,lingeries fines

 

Un’ femme en sari et batik

Me demandent conseil pour trier

Linge couleur et synthétiques

Pas dépasser trente-cinq degrés

Derrière le hublot des machines

Je me transporte au Rajasthan

Dans les ateliers, les usines

Sur les métiers triment les enfants...

 

Tournez velours et taffetas

Derrière le hublot des machines

Valsez, valsez les pyjamas

Les kimonos en soie de Chine

 

Un’ femme en boubou bogolan

Me tend un journal chiffonné

Ca chauff’ sur les quais d’Abidjan

Plus d’boulot pour les Baoulés

Derrière le hublot des machines

Tournent les bleus des balayeurs

Les salopettes et les vieux djinns

Des Soninkés, des Toucouleurs...

 

Tournez chemises et laines polaires

Derrière le hublot des machines

Valsez, valsez les pull-overs

Les survêt’ments et les pop’lines…. Tournez tissus du monde entier (ter)

 

 

 

Dans le café de Kabylie (Claude Astier  et Michel Dréano)

 

Dans le café de Kabylie

Là, juste en face du bougnat

Dans la fumée bleue de minuit

Rêvant à la belle Aïcha

Rêvant à la belle Aïcha

Il déroulait des farandoles 

Pour ses frères déboussolés

En leur chantant sur son mandole

La chanson noire des exilés

La chanson noire des exilés

 

Mais les femmes là-bas quand vient le vent du nord

Mais les femmes là-bas l'attendent-elles encore ?

L'attendent-elles encore ?

 

Oula thilawin zergountt  lrolva ?  Oula thilawin zergountt  lrolva ? *

 

Dans le café de Kabylie

Son port d’attache est fixé là

Dans un faubourg près de Paris

Rêvant à la belle Aïcha

Rêvant à la belle Aïcha

Il l’imagine en amazone

Blottie le soir tout contre lui

Ils s’envolent loin de la zone

Bravant la nuit froide et la pluie

Bravant la nuit froide et la pluie

 

Mais les femmes là-bas quand vient le vent du nord

Mais les femmes là-bas l’attendent-elles encore ?

Rêvent-elles d’exil ?

 

Oula thilawin zergountt  lrolva ?  Oula thilawin zergountt  lrolva ? 

 

Dans le café de Kabylie

Pour tous les chibanis qu’il aime

Son mandol’ joue les litanies

Des chansons de Slimane Azem

Des chansons de Slimane Azem

L’hiver quand les frimas reviennent

 Loin des plages de Bedjaïa

Il regarde couler la Seine 

Au pied du zouave de l’Alma

Au pied du zouave de l’Alma

 

Mais les femmes là-bas quand vient le vent du nord

Mais les femmes là-bas l'attendent-elles encore ?

L'attendent-elles encore ?

 

Oula thilawin zergountt  lrolva ?  Il n’y a plus personne au bled là-bas

Depuis que les femmes aussi…

Rêvent d’exil.

Rêvent d’exil

Rêvent d’exil.

 

 

 

Jour de marché

 

Le 95 croise le 31

Mais comme ils vont pas assez loin

Je reste tout seul à regarder la pluie

Laver les parapluies

 

Jour de marché

Rue Ordener

Il pleut

Je m’paierais bien un kilo de ciel bleu

Mais y’en a plus, tout est parti

Comm’ des p’tits pains

Mais je m’en fous

J’ai plus faim

 

Aujourd’hui les endives          

Sont passées à quinze francs    

Mais depuis qu’t’es partie

Seul compte le prix du temps

Dans les marchés d’là-bas

Est-ce que t’as comme moi

Le cœur sur l’estomac ?

Est-ce que t’empiles en vrac

Tout au fond d’un grand sac

Un tas d’idées patraques ?

 

À deux heures on remballe et se vide la rue

Moi j’ai l’cœur comme un fruit invendu

Et je reste sur place  à constater qu’la flotte

Me mouill’ plus que les autres

 

Jour de marché

Rue Ordener

Il pleut

Ramène-moi un morceau de ciel bleu

Et si à la douane cela te pose

Quelques problèmes

Transforme-le en poème. 

 

 


Je me souviens de ma zone 

 

1962, j’ai 10  ans

La guerre d’Algérie est finie

Et je suis bien content

Porte de Ménilmontant

De jouer dans la zone

À deux pas de Paris

Le périph n’est pas encore construit

Et notre environnement

Est un décor inédit

Où Robert Dhéry a tourné La belle Américaine

…Terrain vague des boucs, des bohémiens, des manouches

Pique-nique et cyclocross, allez, dégage en touche !

Tir au but, plaies et bosses

Bric à brac, la jungle d’un grand terrain d’aventures

Des rôdeurs, carcasses, des sommiers dans les ordures

Des chevaux, des chèvres, des collines, cimetières d’autos

Territoire des gamins, panoplies de Zorro

Rintintin, Pif le chien

Femmes à barbes, catcheurs, le grand huit est en panne

Pas peur du train fantôme,

Diabolo menthe et peaux de bananes

L’eau de Cologne sent bon, Forvil la brillantine

L’odeur âcre du pneu brûlé

Le cousin coco, les quilles à la vanille

Boutons d’or et jonquilles

Les garçons s’appellent Patrick, Michel, ou bien Martial

Les filles c’est Patricia, Muriel ou bien Chantal… ( SUR L’AIR DE JAMES DEAN 62) :

La voiture fondue

La diligence

La cabane le teepee

Les scoubidous,

Douce est la France

Les Fougères Les Lilas,

Peut-être n’est-on

Que d’un seul pays l’enfance

Nos premiers émois

En noir et blanc notre cinéma

Loulou blouson doré le James Dean de la bande

Près des auto-tampons  aime Mademoiselle Age Tendre

Montreuil au beurre noir, nougats et pains d’épice

Tir à la carabine, cirque des Puces, le père, le fils…

La fermeture Eclair de la belle mercière

La mère est couturière, le père fait la cuisine

Les grands frères des copains travaillent à l’usine

Aux Laiteries parisiennes, ramener les consignes

Avec la petite monnaie on s’achète du zan

Le soda Vérigoud me bousille les dents

A l’épicerie-buvette du côté des Lilas

Gévéor piquette, Kiravi qui ravage le foie…

 

Je me souviens :

J’ai 10 ans

Et je suis bien content

Porte de Ménilmontant

De jouer dans la zone

À deux pas de Paris.

 

 

 

Entre Montmartre et l'Everest

 

Entre Montmartre et l’Everest

Il n'y a qu'un pas

Des escaliers de la butte

Aux paliers de décompression

Tant d’inconnus  tant d’illustres

Tous ont rêvé d’ascension

Du moulin de la Galette

Aux moulins à prières

Des artistes aux alpinistes

Il y a du génie dans l’air

 

Entre Montmartre et l'Everest

Il n’y a qu’un pas

Remonter la rue Lepic

Affûter ses pinceaux

Partir à l'assaut des pics

Arriver à Picasso

Au Bateau Lavoir là-haut

Tous voulaient toucher le ciel

Aller à l’essentiel

 

Entre Montmartre et l’Everest

Il n’y a qu’un pas

De la place du Tertre

Où les touristes en mal d’idoles

Cherchent en vain les restes

D’un passé qui dégringole

On peut toujours c’est plus drôle

Pour se consoler de tout

Prendre par la rue des Saules

Le chemin de Katmandou

 

Entre Montmartre et l’Everest

Il n’y a qu’un pas

Robes des folles ou des bonzes

Chacun son karma 

 

 

 

Faune de Paris (Autochtones)

 

Les autochtones de la nuit payés par les feuilles à scandale

La star déchue, lunettes noires, qui leur lit Verlaine et Rimbaud

Le hasard pur pour objectif d’une rencontre capitale

La tour Saint-Jacques ou le Pont Neuf pour une interview de Garbo

 

La traduction simultanée en poésie de l’insolite

La Seine qui fait sa toilette pour le congrès des crevettes roses

Le bel été du bicentenaire et son message cosmopolite

Le carnaval des mosaïques et la fraîcheur de ceux qui osent...

 

Au Pont Neuf des refrains des bardes disparus

Au timbre de la voix de la chanson des rues…

 

La faune du dernier métro, voiture-balai des noctambules

Les doigts de fée d’une harpiste au jeu de paume des Tuileries

Le clapotis du bateau-mouche quand les enfants soufflent des bulles

Le « jazzeman » de vingt-cinq berges qui répète son blues de Paris

 

Le charbon noir des idées flèches sur la page blanche du synopsis

Le scénario a pour héros un titi nommé Belkacem

L’envie de faire comme Wim Wenders un film sur une petite Alice

Mais une chanson c’est plus facile, faut qu’j’la dépose à la Sacem...

 

Au Pont Neuf des refrains des bardes disparus

Au timbre de la voix de la chanson des rues…

 

 

 

Périf (à la coule et en 2 CV)

 

Coinçé sur le périph’ à onze heures du soir

Super embouteillage de Vincennes à Balard

De la radio F.M. surgit une musique

Un cocktail idyllique dans ma deux ch’vaux noire**

 

Y a trop de voitures sur la p’tit’ ceinture !

 

Inattentif, rétif à la circulation

Me vl’à dans un’ galère en pédal’ champignons

Si mon automobile n’a pas trop pris de gnons

La tir ‘ du mec d’en face en a pris un sacré j’ton...

 

Y a trop de voitures quell’ déconfiture !

 

Sortant de son char en Danone expansé

Un mastard m’invective jusqu’à franch’ment m’agresser

C’était un 63 qui n’avait pas compris

Que Panam’, son bazar, c’est vraiment pas le paradis...

 

Y a trop de voitures qu’est-ce que ça sature !

 

Tout ça de tout’ façon c’est vraiment dérisoire

Et du périf  blafard j’en fais toute une histoire

Mais à tous fair’ pareil on est là comm’ des cons

Panurges à fond la caisse dans nos boîtes à savon...

 

Y a trop de voitures quell’ déconfiture !

 

Y a trop de voitures et plus José Artur  !

 

 

 

À une passante sur les Champs-Elysées

 

Quand tu es apparue sur les Champs-Elysées

Je n’ai plus vu que toi et tout a explosé.

Dans ma tête, dans mon corps,

C’était comme un soleil

Qui soulevait tes tresses et ton casque aux oreilles…

Tes dessous dépassant du blue jean cigarette

Vas-tu te retourner enfin ? (Peut-être ?)

Mais non tu es fière comme une diablesse

Sûre de ton pouvoir,  tu m’enchaînes à ta laisse

En deux temps, trois mouv’ments,

Tu as dèjà filé

Alors j’ai renversé tout mon café au lait…

Coupée à la garçonne comme Jean dans  À bout de souffle

Tu te diriges vers la Seine

Et les hommes ont pour toi les yeux de Chimène

Circulez, circulez !

Et la foule reprend son va-et-vient

Moi je me sens vermoulu

Décidément, sur les Champs

Je n’aime pas le défilé des touristes

Qui te prononcent “Champ’s L..A..I.”sis” 

Et pâmez-vous  Parigi, Pairisse, Pâriss. Paris !

Oh la la !  Bibelot fluo hors de prix, 

Dans l’odeur fricandel du Mac Do

Tandis que les Fatoumatas

S’engouffrent chez Sephora,

Un cornet de Mac Nuggets à la main

Graisse et sueur, parfum “tue-mouche”

Fly-Tox, intox

Alors je fuis ce vent mauvais

Et je m’engouffre au ciné

Voir un vieux film d’art et d’essai 

Là //Je te vois passant

Se// Détachant sur l’écran

Ma belle inconnue

Totalement nue

Descendant l’avenue

Emportée par la foule du joli mois de mai

Ô toi que j’eusse aimé ô toi qui le savais..

La rue assourdissante autour de toi hurlait…

 

 

 

Pandora et moi

 

Pandora et moi

Ell’ met ses bas de soie

Clap

Couleur sépia

Nuit américaine

Pano sur la Seine

On entend les sirènes

Du Hollandais volant

Ca passe en noir et blanc

C’est pas raccord, coupez ! Faut m’refair’ ça les électros !

Au plan séquence : Silence. Action !

Pandora et moi

Ell’ jett’ ses bas de soie

Cut

Plan sur les toits

Flou net nouvelle scène

Retour sur la Seine

Plongée vers les sirènes

Arrêt fondu au bistre

Ouverture à l’iris

Pandora et moi

Elle est nue dans mes bras

Clap

Mais ell’ s’en va

Descend vers la Seine

Voir son capitaine

C’est elle la sirène

Du Hollandais volant

Ell’ court vers son amant

Pandora et moi

Rêve ou réalité

Fin du tournage

Fin du mirage

Elle a filé

Restent les rushes

Faut que j’m’accroche

Pour les monter

Pandora et moi

 

Nuit américaine,

Chaland sur la Seine,

Clapotis de la péniche à quai

Séquence saxophoniste emballant le Pont Neuf

Ho hisse la grand’ voile de la Samaritaine

Plan du chant des sirènes du Hollandais volant

À la proue du vaisseau fantôme

Fondu au noir. Pandora et moi, Noir.

 

 

 

Ma fleur, mon amour

 

Ma fleur, mon amour 

J’ai longtemps espéré

Dans tes yeux clairs, la clé

Du mystère de nos jours

 

Je t’ai longtemps cherchée, mon amour

Tel un trouvère sur la plus haute tour

Comme un poète comptant ses quatrains

Sur les quais des gares, dans les trains...    

 

Ma fleur, dans ta rue

On chantait dans les cours

Mais il a disparu

Ton quartier, pour toujours

 

Je t’ai longtemps cherchée, mon amour    

À la terrasse des cafés du faubourg

Dans les passages secrets du hasard

Sur les ponts des bateaux des boulevards...

 

Je t’ai longtemps cherchée, mon amour

Mais j’étais muet, aveugle et sourd

Quand soudainement, signe du destin,

Un doux matin tu m’as pris la main...

 

Enfin je t’ai trouvée

Mon amour, mon amour

Après bien des années

Où tout me semblait lourd

Enfin je t’ai trouvée

Mon merveilleux amour.

 

 

 

Rime et rame (Java héroïque)

 

Toi le gars qui rime
Tu m’inspir’ la musique

Anti-déprime

Un’ java héroïque,

Ell’ fait danser

Au quatorze juillet
Les seniors et les juniors
Du quartier

Rime et rame rime et rame rame

Toi le gars qui rame

Mêm’ si tu la ramènes
Quand tu déclames
Aux faces de Carême

Tes vers bizarres
Tes brèves de comptoir

Le bistro blanc devient noir
Et se marre

Verse-moi deux guignolets avant que j’sort’ mon biniou

Mon dépliant à soufflets chantera tes rim’ cass’cou 

Toi le gars qui rime

Tu tiens plus sur tes cannes

Toi mon bonhomme

Mon double en graphomane

En vieux chaman

Tu t’cam’s au poème

Grâce à toi mon vague à l’âme

Je le sème

Rime et rame rime et rame rame

Toi le gars qui rame,

Sacré phénomène 

Tu voles l’âme

De Muse Melpomène

La tragédie

Se mue en comédie

Et grâce à tes rim’s, je revis

Et je ris 

Verse-moi deux guignolets avant que j’sort’ mon biniou

Mon dépliant à soufflets s’accorde à ton haïku

C’est le ramdam

Au gueuloir des écrits

Où les fous de slam

Viennent faire leur nid
Alors la nuit

Et si la lune luit

En bon Pierrot, tu prêtes ta plume et ton cri 

À Paris…. (au final fredonner « la la la la la la la la la la la la » sur l’air de Francis Lemarque)

 

 

 

Jaja blues

 

Sunset au crépuscule

Dans ta piaule capsule

Au boulevard de l’air plane

En novas de platanes

La fauvette du jour

M’a fait vingt fois l’amour

Près des gares échangés

En regards étrangers

Des retours de folie

Dans les rues de la vie

Doux fennec des déserts

Des planètes camembert

Le feu des fées des fjords

Me brûle et raccorde

Ma folie

Rigoles qui rissolent

Ruissellent sur ma fiole

Qui décolle et qui vole

La mécanique molle

Des histoires d’eau bénite

Par la météorite

On les crevait pourtant

Les écrans de Paris

Des poches sous les yeux

Et le rimmel qui fuit

Fallait pas croire pourtant

Qu’on était des mutants

On avait tout le temps

De s’avouer nés perdants

Dans la vie

Au hasard de pleine lune

Je t’ai vue toute brune

Et c’est vrai je t’attends

Je t’attends au tournant

Jalousie des auvents

Son sourire sans trêve

Et c’est vrai et j’en crève

Café cramé frappé

Des revues de ciné

Des regards langoureux

Mon chéri à nous deux

Des femmes pas compliquées

Qu’on attend dans l’allée

Des senteurs de l’été

Amour et amitié

À ma mie

D’olvidados apaches

Manouches et gitanas

Maquillent la nymphe astrale

En aurore boréale

À minuit

I’ve got the blues maudit

Oui j’ai le jaja blues.

 

 

 

Terriens  (texte : Catherine Duval /musique : Jean-Jacques Seguin et Michel Dréano)

 

Un soir dans le métro qu’j’écoutais au walkman

Une histoire électro pour éviter qu’on m’tanne

J’ai rencontré Suzie la vieille bohémienne

Dans sa jupe à volants de cartomancienne

 

Elle avait sur l’épaule un joli petit singe,

Des rêves de roulotte au fond de ses yeux dingues

Deux, trois tours de magie, un tarot de Marseille

Et la Vierge Marie sur ses boucles d’oreilles

 

Après quelques gris-gris Suzie m’a pris la main

Un accent de Russie pour me lire mon destin

Il me fallait bien ça pour affronter Pigalle,

Ses néons, ses clochards et son sexe à deux balles …

 

Ca rigole au comptoir ça aime à en crever !

Même sur le trottoir…

Terriens de toute beauté

 

Tout au bout de la rue j’ai vu les travestis

Qui attendaient le bus- enfin c’est ce qu’ils disent-

Mysty s’était rasé de près comm’ un’ jeun’ fille,

Tout fier de nous montrer ses nouveaux seins en kit

 

On l’a r’trouvé sanglant, gisant dans sa zibeline

Qu’il avait mis trois ans et une passe à s’offrir

Comme j’avais pas l’moral je m’suis laissé tenter

Par le nu intégral d’un’ danseuse fanée

 

Ersatz de Marylin pour le spleen touristique

Perruque blond platine dans le bleu d’la vitrine

Sur le siège inclinable de ma pauvre cabine

Le show était minable et la laideur sublime…

 

Ca rigole au comptoir, ça aime à en crever !

Même sur le trottoir…

Terriens de toute beauté

 

J’ai retrouvé l’espoir en mêm’ temps que l’air libre

Dans l’harissa d’Omar, son kebab et ses frites

Au Café d’la Rotonde j’ai pas trouvé la mort

Mais le centre du monde, l’humanité, de l’or…

 

Ca rigole au comptoir, ça aime à en crever !

Même sur le trottoir… Terriens de toute beauté !

 

 

 

Femmes oriflammes des pluies espérées  (le courage des mères)

 

Elles chantent en chœur au rythme de la pluie

En rêvant de la paix ell’ bercent leurs petits

Guettant le messager des missives envolées

Qui chasserait les pleurs des femmes esseulées

 

Elles chantent  pour conjurer les peurs et les dangers

D’océans inconnus qu’il leur faut affronter

Pour retrouver leurs hommes leurs frères rescapés

Exalter la splendeur d’autres canopées

 

Elles chantent pour leurs hommes en terres étrangères

Elles chantent le combat pour rester digne et fier

Elles sont l’oriflamme…du courage des mères

 

Elles chantent la langueur de l’été finissant

Et garde (nt) le sourire quand s’éloigne l’amant

Vers l’exil ou la guerre lui laissant le tourment

D’un enfant solitaire dont le père est absent

 

Elles chantent  la mousson attendue par la terre

Que la herse transperce de ses lames guerrières

Comme étrave au couchant sombre l’astre solaire

Alors montent les chants des femmes solidaires…

 

Elles chantent pour leurs hommes en terres étrangères

Elles chantent le combat pour rester digne et fier

Elles sont l’oriflamme…du courage des mères

 

 

 

La ville

 

Tu revois ton enfance au pied des escaliers

Où tu jouais au foot avec tes vieux souliers

Ces grottes de Lascaux des cages d’ascenseurs

Que tu bloquais souvent avec ta petite sœur

Tu pars photographier les peintures éphémères

Avant que ne surgissent les géants bulldozers

Tu cherches à reproduire le geste du semeur

D’une bombe aérosol le pollen du graffeur

 

Cela s’appelle la ville c’est ton pays réel

Tu regardes les tours avec tes yeux de miel

 

Tu roules en bicyclette en longeant le canal

Où les Mimile-bretelles pêchent l’ablette au gasoil

Tu croises chemin faisant René le maraîcher

Qui livre ses salades fraîches à l’hypermarché

Tu t’arrêtes un instant aux jardins ouvriers

Où les Papy-Doisneau s’éclatent dans les rosiers

Combien de temps encore ces derniers Mohicans

Pourront-ils résister aux crocs des caïmans ?...

 

Cela s’appelle la ville c’est ton pays réel

Tu regardes les tours avec tes yeux de miel


 

 

Emmenez-moi 

 

J’ai la morsure du froid

Le matin qui m’assaille 

J’essaie d'tenir debout

De colmater mes failles

 

Aux vitres de ces trains

Reflet des jours qui passent

Là je vois mon destin

Se perdre dans les glaces…

 

Emmenez-moi, emmenez-moi

Je suis plein de larmes

Emmenez-moi  

J'ai trop mal à mon âme

 

Seul j’erre dans les gares

Marchant comme un zombie

Et j’écume les bars

De ma chienne de vie

 

Dieu sait que je trimballe

Un blues carabiné

Aurais-je le mental

Pour oser me tirer ?

 

Emmenez-moi, emmenez-moi

Je suis plein       de larmes

Emmenez-moi

J'ai trop mal     à mon âme

 

J’envie les boute-en-train

Les battants dans la vie

Moi qui toujours me plains

Au bureau des envies

 

Je marche dans la nuit

Obsédé trop avide

De tous ces trains qui fuient        

Tortillards et Rapides

 

Emmenez-moi, emmenez-moi

Je suis plein de larmes

Emmenez-moi

J'ai trop mal à mon âme

 Emmenez-moi, emmenez-moi

Je suis plein de larmes

Emmenez-moi. J’ai trop mal à mon âme

 

 

 

Minuit moins toi

 

Minuit moins toi

Cœur en hiver

Suis à l’étroit

Et à l’envers

 

Minuit moins toi

Chemin de croix

Tout me rudoie

Alors je bois

                                                        

Minuit moins toi

C’est pas sexy

À trois heur’ trois

Je suis occis

 

Minuit moins toi

Du plomb dans l’aile

Mon cinéma

Chambre d’hôtel

 

Est-ce le manque de toi qui me foudroie ?

Là dans mon lit

Je miaule à la lune

La nuit offre sa neige aux écrans

Et c’est du lourd

Le mal d’amour

 

Minuit moins toi

L’œil en faction

Babylone boit

À la Nation

 

Minuit moins toi

Trente-six chandelles

À hue à dia

C’est le bordel

 

Minuit moins toi

C’est la vie chienne

L’homme aux abois

Les cris de haine

 

Minuit moins toi

C’est pir’ que tout

C’est Calcutta

Sans Katmandou

 

Est-ce le manque de toi qui me foudroie ?

Là dans mon lit

Je miaule à la lune

La nuit offre sa neige aux écrans

Et c’est du lourd

Le mal d’amour

 

Minuit moins trois

Compte à rebours

La vie moins toi

C’est sans retour

 

Minuit moins toi

Douze coups sonnent

Les chiens aboient

C’est pour ma pomme

 

Est-ce le manque de toi qui me foudroie ?

Là dans mon lit

Je miaule à la lune

La nuit offre sa neige aux écrans

Et c’est du lourd

Le mal d’amour.

 

 

 

Japoniaiserie dréanesque 

 

Allo Allo, Moshi Moshi. Oh !  Je t'appelle de Paris

Car Dieu sait que je me languis de toi ma petite souris

 

Allo Allo, Moshi Moshi .Allo réponds-moi je t'en prie

Ou je me fais hara-kiri dans l'eau qui mouss' du jakuzi...

 

Je ne me coup'rai pas le doigt

Je suis pas le genr' yakusa

Je f'rai pas non plus seppuku,

J'préfèr’ t'écrire un haïku

 

Ombrelles et cerisiers fleuris, blancs kimonos en harmonie

J'irai au ciné place Clichy, Kurosawa, Mizoguchi

 

Enfin te retrouver là-bas, enfin te serrer dans mes bras

Nous balader en amoureux, seuls sous la lune, après la pluie

Enfin décoller de Roissy, enfin me blottir dans ton lit

Après l'amour sucré-salé ,Viv' la cérémonie du thé...

 

Allo-Allo, Moshi-Moshi c'est pas vraiment joli-joli

Dans les bouchons rue d'Rivoli en plus c'est lundi-raviolis

 

Sache que je suis au tapis et mêm' complèt'ment tatami

Sans baguettes et sans bol de riz, sans saké ni sukiyakis

 

Allo réponds, je t'en supplie !

Car ton accent est un sushi

Qui m'ôte nuages et soucis

Sur mon futon porte d'Ivry

 

Ta voix me donne le courage ainsi que la force du voyage

Pour te rejoindr' dans ton pays au soleil levant, loin d'ici

 

Enfin te retrouver là-bas, enfin te serrer dans mes bras

Nous balader en amoureux, seuls sous la lune, après la pluie

Enfin décoller de Roissy, enfin me blottir dans ton lit

Après l'amour sucré-salé, viv' la cérémonie du thé...

 

Allo-Allo, Moshi -Moshi Ah !  Que l'hiver est rude ici

"Ouatachiva  Anatao Hashtimassou " Moshi-Moshi.

 

 

 

Série blême

 

C’est une histoire très parisienne

Elle commence dans le 16ème

Chez les nantis et les assis

Coté Neuilly Auteuil Passy

Elle c’est une blonde plutôt classe

Lui un tatoué du genre coriace

A la piscine Molitor

Dans l’eau se frôlèrent leurs corps

Ce fut le choc le grand déclic

Les casinos et les boites chics

 

Série blême très parisienne

 

Ils se vautrèrent dans les palaces

Ils se montrèrent chez les rapaces

Chez les caïds ceux du Milieu

Dans des villas de grande banlieue

Puis son Aldo la fit reluire

Dans une piaule rue des Martyrs

Deux jours plus tard changement de ton

Ce fut l’trottoir et les michetons

Et comme il était psychopathe

Il la viola dans la rue Watt

 

Série blême très parisienne

 

Recueillie par un vieux libraire

Un débonnaire libertaire

Qui joua les bons pygmalions

Et lui fit lire du Proudhon

Tant et si bien qu’elle se mua

En avocate des parias

On la vit même à la télé

Plaider la cause des sans-papiers

D’ceux qui cotisent à la Sécu

Et qui pourtant sont à la rue

 

Série blême très parisienne

 

Et c’est ainsi que l’ancien mac

Traversa le pont de Tolbiac

Pour retrouver la jolie blonde

Dev’nue égérie du quart-monde

Ni une ni deux il décida

De remettr’ ça comme autrefois

Il l’aborda là dans la rue

Pour lui poser le grappin d’ssus

Mais elle avait changé de ton

Finis l’trottoir et les michetons

 

Série blême très parisienne

 

Fou de rage il la balafra

Mais elle sortit son Beretta

Sans un mot elle défourailla

Dix balles blindées dans l’estomac

Et cette histoire bien parisienne

Entre Burma et Série blême

Commencée dans les beaux quartiers

Se finit Quai de la Rapée

Dans un tiroir réfrigéré

Une morgue pleine de macchabées

 

Série blême très parisienne

Série blême très parisienne

 

 

 

Petits métiers 

 

Où sont passés les petits métiers d’antan ? Et moi si j’étais né en 1900, lequel aurais-je choisi pour ne pas finir brigand ? J’en ai toute une liste, un inventaire à la Prévert…

 

Fort des Halles peut-être pas. Mais reste encore : fileur de lumignon, redresseur de clous , professeur de cris, bagotier, cintreur de bananes, allumeur de réverbères, compagnon de rivières, montreur d’ours, aboyeur de théâtre, homme-sandwich…

Alors puisqu’il me faut choisir, j’opte pour celui de limonadier. Oui je reprendrais volontiers le flambeau des artisans de la rime utile dans mon cabaret. Celle qui ne s’engage à rien d’autre qu’à dire la vérité. Quitte à être traînée dans la boue par la presse de caniveau.

Bien entendu, puisque aujourd’hui le public ne croit plus au grand soir, je ne composerai pas des airs révolutionnaires pour les marchandes de mouron, les loueuses de sangsues, et les chapelières de fleurs. Et je n’aurai pas le plaisir de ridiculiser les sergents recruteurs puisque la conscription obligatoire a disparu. Mais j’ouvrirai ma gueule c’est sûr. Et puis avec l’ami  Marcel nous nous inventerons des fidélités de racomptoir  avec des personnages fictifs et attachants : cracheur de feu follet, pêcheur de compliments, jardinier de brouillards, soudeur à l’amitié, étameur de rimes, gonfleur d’orgueil, jockey d’escargots, chorégraphe de puces, chaman pour chien…

 

En attendant voici mon envoi :

« Où sont passés les p’tits métiers ?

D’antan et aussi d’aujourd’hui ?

J’ai bien peur qu’ils soient tous détruits

Par la nouvelle économie 

Dans les ruelles de Paris »

 

 

 

Les trottoirs de la rue de Lappe

 

Sur les trottoirs de la rue d'Lappe

Riton le mac pèse son pèze

Bell' petit' gueule, genre petite frappe

Qui fait marner ses portugai-ai-ses

Petite gagneus’ d'la P'tite Roquette

Mimi Pinson, coeur d'artichaut
Maria Dimanche fait la quê-ê-te
A la paroisse du sang chaud

 

Va t'en Va t'en, fumier, salaud !

Crève à p'tit feu mon beau Julot

Comment veux-tu que je supporte

Ton fric, tes pompes et ton cigar' d'Aldo ?

 

La rue change depuis bell' lurette

Ca fait un bail qu'y a des bourgiffs

Les Auverpins sont en retraite

Et le tapin change de tarif, au pif

La salsa remplac' le musette

Et la Boul' rouge et l'Balajo

Combien de temps f'ront -ils recè-e-tte ?

Est-ce la fin des haricots ?

 

Va t'en, Va t'en, fumier salaud !
Crève encor' un coup si tu peux

Métamorphose des cloportes

Le mac', q'reau, se fait promoteur véreux

 

Sur les trottoirs de la rue d'Lappe

Riton le mac joue l'affranchi

Il faut innover dans la retape

Dit-il au patron du gourbi, surpris,

Y faut t'investir dans la tri-que

Par la messagerie interposée
Suffit d'une voix  éro-ti-i-que

Sur sit' "ruedlappe" au code d'accès  :

TANGO.

 

 

 

Jean-Luc de Belleville 

 

A l’épic’rie-buvett’, « Chez Fanfan » rue d’Tourtille

J’ai rencontré Jean-Luc, mon copain de Bell’ville

C’est là qu’un beau matin il m’a dit : « J’en peux plus

De dorer du nickel dans des cuv’ en alu 

Et basta les cadences, les heur’ sup’ non payées

Je me tire d’ici car je veux voyager

Avec un sac à dos et un harmonica

À nous deux le Mexique et le Costa-Rica ! »

 

Mon Jean-Luc, Dieu qu’il aimait la fête !

Préférait le mambo à la valse musette

Porter le sombrero plutôt que la casquette

 

Là-bas Jean-Luc s’est fait négociant d’art indien

Moi qui craignais le pire il s’en sort plutôt bien
Le petit hexagone ne lui manque pas trop

Sauf quand passe la Mô’me Piaf  à la radio

Sa femme est mulâtresse, ses enfants sont chabins

Ses amis musiciens sont des Caribéens

S’il n’est pas malheureux s’il ne manque de rien

Il se fait de la bil’ car c’est un tracassin

 

Mon Jean-Luc, Dieu qu’il aimait la fête !

Préférait le mambo à la valse musette

Porter le sombrero plutôt que la casquette

 

Il a quitté son job, sa femme et ses amis

Vers d’autres horizons, un jour il est parti

Fumer l’herbe du diable au chant du canari

Et boire son mescal comme un Malcolm Lowry

Avec son sac à dos et son harmonica

Et Bye Bye le Mexique et le Costa-Rica

L’est parti vers le Sud courir les Hauts Plateaux

Jusqu’à la Terr’ de Feu, il veut changer de peau

 

Mon Jean-Luc,  ton Bell’ville a changé

De peau également, ses nouveaux étrangers,

Venus surtout de Chine, ont repris les cafés

 

« Chez Fanfan » Rue d’Tourtille, l’épic’rie a brûlé

À part la vieille école dont la cloche a sonné

Il ne reste plus rien de notre cher quartier.

 

 

 

Trois caisses de Paris populi

 

Belleville c’est pas Barbès

Pour le gars d’Agadès

Noir descendant de Cham

Amoureux de Paname…

Belleville ça n’a pas d’âge

Pour le Muslim El Hadj

Quand il vient rue Bisson

Au café des frissons…

 

Belleville c’est pas Barbès

Pour le juif des schmattès
Syndicat des casquettes

Des peintres en salopette…

Belleville ça n’a pas d’âge

Vu du vingtième étage

Quand on cherche du taf

Descendre à Télégraphe…

 

Mon satellite

Cosmopolite

C’est toi Paris Populi

 

Belleville c’est pas Barbès

Vous m’en mettrez trois caisses

De la bière Tsing-Tao

Rue de Palikao

Belleville ça n’a pas d’âge

Pour les poivrots en nage

Qui foutent le boxon
Dans les bars à chansons…

 

Belleville c’est pas Barbès

Rebelle au cheveu rêche

Epargné par Haussmann

Pour un supplément d’âme…

Belleville ça n’a pas d’âge

Râle et gueule, ça dégage !

Quand Marianne enrage

Dans les embouteillages…

 

Mon satellite

Cosmopolite

C’est toi Paris Populi

 

Belleville c’est pas Barbès

Ca vaut la peau des fesses

Le 25 mètres carré

La studette encombrée

Belleville ça n’a pas d’âge                                                                                                                                             

Chambrées petites cages

Les transports suburbains

Dodo, métro, turbin

 

…Et au final…

 

Belleville c’est comm’ Barbès,

Bonn’teau et tiroir-caisse

Ca y est la messe est dite

Mais dans les rues maudites 

De la ville diablesse

Ta jeunesse transperce

Mon cœur à la renverse

De Couronnes à Anvers.

 

Mon satellite

Cosmopolite

Je t’aime Paris Populi ;

 

 

 

Fleur des Halles

 

L’an 2000 est passé il ya belle lurette

Que l’odeur des marrons dans la rue des Prairies

Et que l’accordéon au bal du jazz-musette

Me font du vague à l’âme en hiver à Paris

Disparus les biffins les chiffonniers moqueurs

Les radars sur la zone nous flashent à cent à l’heure

Tandis que les fantômes goualent à fendre le cœur

Des chansons de Fréhel sous le grand échangeur

 

REFRAIN

Si l’âme populaire du Paris de naguère

S’en est allé flâner du coté du canal au-delà de Pantin

J’irai la dénicher la jolie fleur des Halles

Derrière les moulins derrière les moulins

 

Pourquoi Martin Nadaud le maçon limousin

N’a-t-il plus sa station ligne numéro trois

Devant le Père-Lachaise le métropolitain

A préféré l’offrir à Léon Gambetta

C’est fini les Lilas direct par Levallois

Pour joindre Bagnolet Gallieni c’est tout droit

Là les nouveaux apaches s’inventent un opéra

A la hip à la hop à la hue à la di

 

Ça fait déjà trente ans qu’on nous a mis d’équerre

Nous laissant miroiter comme à nos pauvres pères

L’espoir d’un pavillon en banlieue ouvrière

Une maison en meulière donnant sur le cimetière

Mais si j’écris encore jusqu’à des heures indues

Le poème stellaire du Paris disparu

C’est qu’à ma nostalgie va succéder la liesse

Pour chanter dans les rues au printemps la jeunesse


 

 

Le cœur des pierres de la Samaritaine

 

On ne connait pas le cœur des pierres

Comme celles du Pont-Neuf,

Que j’ai vu un beau soir d’hiver

En somptueux vaisseau emballé

Au pied de la Samaritaine

Où ma mère couturière allait

Bien entendu pour y rêver

Aussi pour y faire ses courses

Le samedi le plus souvent

Et quand j’atteignis l’âge de dix ans

Elle me dit  :

“Suis-moi et tu verras Montmartre”

Elle me conduisit sur la terrasse tout là-haut (oh !)

Ah ! mon premier panorama !

Que c’est beau quand on est minot oui mais moi

Ce qui m’intriguait

C’était le musée tout en bas

J’y suivais le parcours de Madame Cognacq-Jay

 “Fière et travailleuse, elle avait toutes les qualités de sa race…

Disait la maxime encadrée sous la vitrine

Je n’ai jamais osé demander à ma mère

si cette phrase l’avait choquée, tout comme moi.

Mais de quelle) race parlaient-ils ?

Des bons commerçants bien blancs, français

Bourgeois bien repus, croyants et pratiquants du dix-neuvième siècle ?

Ou bien du troupeau des brachycéphales bruns

Âpres au gain,

Laborieux clients du magasin ?

 

Si les pierres blondes du Pont Neuf pouvaient pleurer

Auraient-elles le cœur d’une Samaritaine

Pour sauver de l’enfer

Tous les Pharisiens** de la ville lumière ?

 

 

 

Poème de métro  

 

. …La fille sur la banquette porte l’uniforme jean et baskets

Moi je l’habille d’un rien, d’un Orient de pacotille et je la couche…dans mon calepin…

Sous son long voile  maquillée

Fine dentelle moucharabieh

Ma Shé-hé-ra-zade rêve d’un Roland

Sur le quai de Ménilmontant

 

Ma Schéhérazade change à Belleville et prend la on-on-on-onze

Et prend la onz’ vers Les Lilas

 

Arrêt en plein tunnel. J’en profite pour essayer de repérer les traces de la publicité Dubo-Dubon-Dubonnet.  Sublime réclame subliminale comme une image d’Epinal. Mais ça repart.

 

Dans Babylone souterraine

C’est le défilé des dégaines

Du  pêle-mêl’ intergénérationnel

Patchouli, Chanel, citronnelle 

 

Ma Schéhérazade change à  Concorde et prend la u- u- u-une,

Et prend la un’ vers Châtelet

 

À la correspondance, je la perds aussitôt. Puis je la croise en sens inverse . Vais-je sauter de l’autre côté ? Non c’est foutu, elle m’a repéré. Je n’ai plus qu’à faire semblant de lire mon journal.

 

Planétarium des super miss

Paris cosmos, pari métis

Clichés de France et d’ailleurs mode rétro

La mutation dans le métro

 

Ma Shéhérazade dans le couloir s’est fait la ma-a-a-a-lle,

Avalée par la foule aux Halles…

 

 

 

Au carnaval des différences  (texte complet car dans le cd  il  n’y a que  la fin)

 

A Babelville et à Barbès

J’en connais qui en font des caisses

Pour plaire aux gazelles d’Haïti

Qui font les soldes chez Tati

Moi la vérité si je mens

Je suis plus riche qu’un sultan

Quand j’dans’ la biguine Plac’ des Fêtes

Et la salsa rue d’la Roquette…

 

Au carnaval des différences

Elle a tout gagner ma France

Mon vieux Corneille c’est Byzance

J’ai vu des djeun’s rapper tes stances

 

Dans le Marais c’est le ghetto

Des riches jeunes et vieux homos
Mais à deux pas rue des Rosiers

On pourrait se croire au Sentier

Où les Pakis, les Sri-Lankais

Muslim s’interpellent en franglais

On se croirait à Bollywood

Ca chant’, ça dans’, ça joue des coudes…

 

Au carnaval des différences

Que tu sois hétéro ou trans’

Mon vieux Corneille c’est la France

Qui donn’  le la et la cadence

 

La capital’ c’est pittoresque

Sono mondial’ rythmes mauresques

Et quand les quartiers font la teuf

Les franchouillards parient au turf

Sous le fard des Pierrots gourmands

Et des Coluche en chocolat

Laissez donc libres nos enfants

Entre Bell’ville et Les Lilas

 

Au carnaval des différences

Les enfants du paradis dansent

Mon vieux Corneille c’est Byzance

Et honni soit qui mal y pense !

 

 

 

Rames et trams blues

 

Quand je regard’ passer les ram’ bondées

À la station Denfert

Je rêv’ du Transcanadien qui m’emmèn’ jusqu’à Vancouver

 

Foncent les jours qui se font suite chacun

Dans son compartiment 

Dans le couloir, le temps passe…   inexorablement

 

Ne tirez pas

Le signal d’alarme

(Oh) S.V.P.  Laissez-moi en paix

 

Quand je regard’ passer les trams bondés 

Des rues de Varsovie

Je rêv’ de l’Orient-Express qui m’emmène jusqu’en Turquie

 

Parfois la nuit je ressuscite dans le bruit 

Obsédant 

Des vitres de ce train qui claque en battant la mesure du temps…

 

Ne tirez pas

Le signal d’alarme

(Oh) S.V.P. Laissez-moi en paix

 

Quand je regard’ passer les trams bondés 

Qui traversent Moscou

Je rêv’ du Transsibérien qui m’emmèn’ jusqu’au Xanadou

 

En attendant de monter dans le bon wagon

J’broie du noir

Dans les gares ouvertes à tous les vents, j’balanc’ mon blues au gueuloir …

 

Ne tirez pas

Le signal d’alarme

(Oh) S.V.P. Laissez-moi  en paix

 

Quand je regard’ passer les ram’ bondées

Qui traversent Paris

Je rêve d’un train qui m’emmèn’rait au moins jusqu’à Calgary*

 

Ne tirez pas

Le signal d’alarme

Ne tirez pas et laissez-moi en paix… Enfin.

 

* Calgary doit être prononcé : « CAULGAYRY »

 

 

 

En l’an de mon âge  

 

En l’an de mon âge soixante

à vous tous à qui tant je dois

Au lieu d’écumer les brocantes

Puisque ce monde me bat froid

Avant qu’on me mette au rebut

Sang sueur et larmes et peines au cœur

Toutes hontes et rancunes bues

J’aurais encore un peu d’honneur

Pour renier mon allégeance

Au pays des lamentations

Aux religions qui crient vengeance

Aux patries des compétitions

Face au vent solennellement

Je me ferai le doux serment

De me plonger tête au ruisseau

De quitter mes vieux oripeaux

De les brûler à d’autres essences

De résilience en délivrance

Des idéaux tout feu tout flamme

Claquant au vent comme oriflamme

De tout cela je ferai le tri

Je dois transmettre aux jeunes pousses

Ce qu’a pu m’apporter Paris  

Dans les clairières et sur les mousses

Renaître enfin à la vraie vie.

 

 

 

Ma campagne à Paris

 

Il m'arrive parfois de penser à ma zone

Là quand la nuit en toi chevauche en amazone,

La lune...

Ca se passe souvent, voilà qui est étrange,

Près de Ménilmontant quand l'asphalte mélange

La brume ... Avec le blues...

 

De beaux jardins d'enfants

Des pelouses protégées

Ont pris la place

À présent

Des édens saccagés

 

Il m'arrive parfois de penser à ma zone

Là quand la nuit en toi chevauche en amazone,

La lune...

Ca se passe souvent voilà qui est étrange

Près de Ménilmontant quand l'asphalte mélange

La brume ... Avec le blues...

 

Cabanes, chass' au trésor,

Des nanas, des loulous,

On ressort

Le décor,

Pacotille à deux sous...

 

Il m'arrive parfois de penser à ma zone

Là quand la nuit en toi chevauche en amazone,

La lune...

Ca se passe souvent voilà qui est étrange

Près de Ménilmontant quand l'asphalte mélange

La brume ... Avec le blues...

 

Lilas, venelles, les p’tites bicoques,

Des amours enfantines

Et les oeufs à la coque

Ciboulettes et tartines
 

Il m'arrive parfois de penser à ma zone

Quand la nuit en toi chevauche en amazone...La lune...

Ca se passe souvent, voilà qui est étrange,

Prés de Ménilmontant quand l'asphalte mélange...la brume...

 

Qu'elle était verte ma campagne, ma campagne à Paris

Qu'elle était verte ma campagne ma campagne à Paris Avec le blues...  Avec le blues... (ad lib)

 

 

 

L’était une fois dans l’est

 

Avant c’était la zone

Mais on n’avait pas peur

L’été l’herbe était jaune

Y’avait même des fleurs

Et quand venait le soir

On montait nos cabanes

Au son de la guitare

Tout près des caravanes

 

Moi je rêvais de Blek

Le Roc le blond trappeur

Et je f’sais la collec

Des Miki le Ranger

Je mâchais du chewing-gum

Les jeudis au Louxor

De western en péplum

En scope technicolor

 

REFRAIN

L’était une fois dans l’est

Un vaste terrain vague

Plus grand que le Far-West

L’était un’ fois dans l’est

 

Dans ma cabane en planches

Avec ma winchester

J’attendais les comanches

Mais c’est un bulldozer

Qui un matin d’avril

Sans même crier gare

A tué Buffalo Bill

Et pris mon territoire

 

C’est fini les fortifs

Et y’a plus de zoniers

C’est le temps du périph’

Ce temps qu’il faut gagner

Avant c’était la zone

Maint’nant c’est l’échangeur

Records des pics d’ozone

C’est pas bon pour le cœur

 

REFRAIN

L’était un’ fois dans l’est

Un vaste terrain vague

Plus grand que le Far-West

L’était une fois dans l’est

 

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