Textes : Michel DRÉANO
HOMMES SENSIBLES DES QUARTIERS |
Hommes des pays lointains, Venus plein de courage, Louer leurs millions de mains Au fond d'obscurs passages Travailler le ouiquenne Jusqu’à plus d'heure limite Aux chantiers d'hommes de peine Des cités de transit... Naufragés, rescapés Des sables et de l'enfer Des bateaux surchargés Qui se retournent en mer Survivants déchirés Comme un vieux survêtement Sur le fil barbelé Des frontières d'occident...
Marabout bout de ficelle, Celle du roi des griots Qui ramasse à la pelle Les potins, les ragots De la Ville Lumière Brillant de tous ses feux Pour cacher la misère Des parias des banlieues Comme eux, je rêve en vers De chevaucher l’étoile Perspective cavalière D’une cité idéale Où l'étrange étranger D’ici ou bien d'ailleurs Enfin n'est plus logé À l'enseigne de la peur
Pourquoi ne peut-on pas vivre là ?
Majeur et vacciné au 9.3. Saint-Denis Gaulois, reubeu, renoi, c’est ton bled c’est ton nid Des tchatcheurs du quartier tu te crois le meilleur Tu refuses l’étiquette des banlieues de la peur Dans le creux de tes poings y’a une envie de crime Mais tu programmes ton casse au magasin des rimes Tu balances en cadence les nouvelles,les échos
Les brûlots des
rebelles sous les panneaux Decaux Tu persistes et tu signes, ton fanzine, ton journal Oui ton style a la rage des griots de cité Depuis que se propagent les incivilités...
Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ? Poum pah Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ?
Tu dénonces le système qui a détruit ton père
Chômeur de cinquante ans qui
se tait qui se terre Tu rêves de châssis grand sport et de merveilles De filles que tu câlines sur la plage au soleil Tu cours en solitaire, tu cultives ton corps Mais tu n’as que ton flow pour crever le décor
Dans ta cité blindée,
anonyme et sans âge De sa basse te décoll’ la plèvre et les neurones
Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ? Poum pah Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ?
Tu craches sur la racaille qui se fait une tir’-lire A grands coups de bastons et de vols à la tire Tu blâmes ces chacals qui trempent dans le deal Qui veulent jouer les caïds,les sultans de la ville... Mais quand la jeunesse bouge dans les quartiers chagrins Et que la colère couve excitant les villains Tu te solidarises avec ces nouveaux gueux Qui pillent la marchandise qu’on étale sous leurs yeux Tu mets dans le même sac la classe politique Tu te demandes pourquoi voter pour des cyniques Ils ne font que ruser et s’comportent comm’ des lâches Alors tu réagis et tu balances ta tchatche...
Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ? Poum pah Pourquoi ne peut-on pas ? (bis) Pourquoi ne peut-on pas vivre là ?
Me vl’à ! Je m’présente : je ne suis pas Rimbaud Je n’suis pas un racaille, je n’suis pas un barbeau Je suis un vétéran qui règne dans son domaine Mon jardin des Tuileries c’est le Parking Verlaine
Je me fais journaliste
et je te la raconte Dans mon vieux quartier nord mon style il a la cote Made in 93, c’est pas de la camelote......................... Je suis vraiment accro aux puls’ de la Grosse Pomme Au son New York City des M.C. qui dégomment Mais je travaille aussi ce bop french que tu aimes Qui passe sur les réseaux des chaînes et des FM... et ça donne queq’chose comme ça : « Dans les cités où ca hip-hoppe, hop, hop Ca pulse, ça groove et ça syncope, bop, bop Dans les fiestas des boums des potes, top, top Qui mène la danse ? Captain K Pote, Pol Pot C’est assez glauque l’amour kleenex, Who’s next ? Mais les virus n’aiment pas l’latex, tex-mex On s’éclate sur du funk, du zouc, très plouc Ou bien du raï Cheb Nicomouk, au souk… » Poum pah ah poum poum pah (bis) ......Je bosse au tri postal pour m’payer le sampler De façon que mon son prenne toute son ampleur Je programme des rythmiques sur un vieil Atari Et je rêve de gloire, de conquérir Paris. Je dénonce les discours, les clichés des médias Sur la vie de banlieue qui court à hue, à dia Je blâme les reporters qui sèment la panique Décrivant les cités comme des ghettos ethniques Mais quand ces fils de bourges jouent à se faire peur Je leur fais visiter mon palace, ma demeure... (parlé) : et je leur chante :... Dans les cités où ça hip hop comm’ dirait Boris ça poulope Y’a d’la break danse dans les sous sols, des Picasso d’l’aérosol Des black blancs beurs qui sont heureux et des bébés areuh areuh Poum pah ah poum poum pah... Je rêve d’un vrai métier, pas d’un stage inutile Et que mon grand ensemble mette le cap sur les îles. Dans ma cité larguée où le front grimpe au score Quand j’vois les poulardins rappliquer dans l’décor Je me dis que les jeunes ont d’la misère en France Que si c’est pas le Bronx, c’est pas non plus Byzance.....
Je me fais journaliste et je
te la raconte Dans mon vieux quartier nord, mon style il a la cote Made in 93, c’est pas de la camelote...... Super dédicace à Victor Hugo, yo !
Bicentenaire 89 (Faune autochtone)
Les autochtones de la nuit payés par les feuilles à scandale La star déchue, lunettes noires, qui leur lit Valéry Larbaud Le hasard pur ou objectif pour une rencontre capitale La Tour Saint-Jacques ou le Pont Neuf pour une interview de Garbo
La traduction simultanée en poésie de l’insolite La Seine qui fait sa toilette pour le congrès des crevettes roses Le bel été du bicentenaire et son message cosmopolite Le carnaval des mosaïques et la fraîcheur de ceux qui osent...
Si mon jazz te frise c’est la faute à Aziz Si mon swing t’imbibe c’est la faute à Habib Si ma soul te soûle c’est la faute à Djelloul Si mon rap te traque c’est la faute à Tarak Si ma chanson rime c’est la faute à Karim Et quand c’est dans la poche ben grâce à Gavroche !
La faune du dernier métro, voiture-balai des noctambules Les doigts de fée d’une harpiste au Jeu de Paume des Tuileries Le clapotis du bateau-mouche quand les enfants soufflent des bulles Le jazzeman de vingt-cinq berges qui répète son blues de Paris
Le charbon noir des idées-flèches sur la page blanche du synopsis Le scénario a pour héros un Kabyle nommé Belkacem L’envie de faire comme Wim Wenders un film sur une petite Alice Mais une chanson c’est plus facile, faut qu’j’la dépose à la Sacem...
Si mon jazz te frise c’est la faute à Aziz Si mon swing t’imbibe c’est la faute à Habib Si ma soul te soûle c’est la faute à Djelloul Si mon rap te traque c’est la faute à Tarak Si ma chanson rime c’est la faute à Karim Et quand c’est dans la poche ben grâce à Gavroche !
Dans les banlieues où ça s’métisse Y’a des humains couleur réglisse Qui savent bien qu’on rase pas gratis Dans les années quatre-vingt-dix Y a du black mic mac qui s’esquisse Y a des combines de fils de vice Y a des Lolitas en levis Supersexy et sans malice
Y’ a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air, Y’a du raggamuffin dans l’air ca déstresse bien et c’est binaire Y’a du raggamuffin dans l’air, ya du raggamuffin Y’a du raggamuffin dans l’air c’est une vitamine Y’a du raggamuffin dans l’air c’est une vitamine Y’a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air Y’ a du raggamuffin dans l’air, ça nous aère l’atmosphère
Dans les banlieues où ça s’métisse Y’ a des rockers qui aiment Elvis Ya des rappers qui le haïssent Y’a des taggers qu aiemment Matisse Y’a des maçons qui se noircissent Au Picon-bière ou au pastis Ya des garcons qui s’affranchissent Et qui veulent croire en la justice
Y’ a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air, Y’a du raggamuffin dans l’air ca déstresse bien et c’est binaire Y’a du raggamuffin dans l’air, y a du raggamuffin Y’a du raggamuffin dans l’air c’est une vitamine Y’a du raggamuffin dans l’air c’est une vitamine Y’a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air Y’ a du raggamuffin dans l’air, ça nous aère l’atmosphère
Dans ma cité en 2010 Tagine poulet et cassoulet Couscous mouton, bœuf bourguignon et mironton J’te dis qu’y a des liens qui se tissent J’te l’jur’ sur la têt’ de mon fils Hey ! Y’a pas que les kakous réacs, PMU tacotac, buveurs de Kro en pack Y a tous les camarades de la dalle et d’Attac qui pour les démunis se battent comme des cracks Dans ma cité y a du raggamuffin dans l’air, secoue tes tresses sans pomper l’air, etc, etc…
Je me faufile en ville entre ruelles et blocs Autour de moi ça crisse, tous les sons s’entrechoquent Des cyclistes pressés, un mouchoir sur la bouche Des passantes aguichantes qui me frôlent et me touchent Dans la foule Qui me saoule Dans les mégalopoles si les filles sont maigres C’est que la chair est triste et se vend à la pègre Moi je rêve d’aventures et je veux tourner les pages
De poèmes électriques sur la
route sans âge À Duluth
Minnesota Et ainsi va ma vie (bis) Me voilà reparti À courir le matin Vers un job incertain À l’aube désolée Portillons assaillis Nez et bouches déformées Par les vitres haïes Et ces traces de l’autre Dans les rames bondées Et la promiscuité Du corps des passagers Je me mets à rêver… … Putain ! J’ai encore raté ma station ! De nouveau les couloirs La houle de la foule Le grand brassage gris sous les néons. De haute tension Voltages et voltiges d’attachés case de luxe et de baise-en-ville de contrefaçon Puis c’est le plan séquence en travelling latéral de l’escalier roulant Où de jeunes assistantes osent un rouge amarante sur leurs lèvres boudeuses Sous le regard stupide d’un modèle masculin qui sourit sur l’affiche devant une fondue Fondu au noir. Ouverture à l’iris Une passante aux yeux de biche débouche au matin dans la clairière urbaine Son parfum subtil et pénétrant qui flotte encore. Dans la rue. À l’aurore. Comme un dernier répit. Avant la cavalerie. La grande ruée vers l’os et le nerf de la guerre de l’argent et du plomb. Voilà c’est reparti. La grande horlogerie du labeur à heure fixe Il faut mettre sous presse et sous stress. Pendant que les puissants consultent leurs écrans, leurs courbes et leurs chiffres et répètent à l’envi que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu’ainsi va la vie. Et ainsi va ma vie …
Un cador à col blanc (Le cerbère de la Défense)
C’est un big boss de l’assurance Service contentieux La Défense Il croqu’ du risque et du bonus À lui les franchis’, les malus C’est pas le genre à faire une fleur Aux motards, aux jeun’ conducteurs Il ronge les alinéas Et il dévore les contrats… …Ouais… …Il traque fraud’ et escroqu’ries Dans les polic’ d’assurance-vie Chasseur de prim’s jusqu’à plus d’heures Pour le beurre et l’argent du beurre, Il flair’ les clauses non garanties Dans les affair’ louch’ d’incendie Et se déchaîne de 5 à 7 Amphés, cafés et cigarettes…
Lui c’est un cerbère à col blanc Comme un cador, il court tout l’temps…
Très vite il eut un’
promotion
Alors le chien se fit dragon En roi des paradis fiscaux On le vit dans un hélico Décollant du haut d’un gratt’-ciel Vers des îles ou des archipels… …Mais… … La Mafia l’avait repéré Et elle sut le retourner Blanchir l’argent sal’ des tripots Ca changeait du dégât des eaux
Il brassa des somm’
colossales Et puis ce fut la cocaïne Pour le cartel de Medellin…
Lui c’est un cerbère à col blanc Il fraye avec les gros ruffians…
Dans les eaux troubles de l’argent Y’a des gagnants et des perdants Et le col blanc en savait trop
Sur le Parrain des casinos
Dans le poitrail et au final D’un grand immeuble en construction… …Mais… …Se sachant guetté par des tueurs Dans un geste de grand seigneur L’ex-assureur très prudemment Avait signé son testament Au codicille stipulant : « N’ayant ni femm’ ni descendant, Je lègu’ mes biens et mon argent Eh oui ! À Droit au logement Vous avez bien lu : Droit au logement » !
C’est plus un cerbère à col blanc C’est un héros dorénavant…
La petite Annamite De ma rue Dont j’aime la Soupe Pho a Disparu… …Rue de Tourtille À Bell’ville On enquête Chez N’Guyen Vinh Et Chi Ho Minh Deux vieux Viets…
Mais les Chinois Langue de bois Nous pipeautent Et l’enquête Des pipelettes Ca capote… … Je prends mon cou- Rage à mon cou Et je dis Qui m’aime me Suive même Dès lundi
Chez Mohamed Au bar du bled Je boss’ fort Autour d’un thé À la menthe Je phosphore… …Est-elle pâle à L’hôpital à Saint-Louis ? Ou bien la proie Des Yakusas ? Là c’est cuit
Je gamberge et Je m’immerge Chez les Thaïs Là pour m’aider J’ai deux baudets Pour flicaille… …Et me voilà Dans de beaux draps Rue d’la Chin’ À fou-i-ner Mettre le nez Aux cuisines…
Comm’ ça jasait À l’Elysée Notre roi Se décida Au branle-bas De combat La Mondaine L’G.I.G.N. En émoi Ils ne lâchè- Re’nt pas l’affair’ On trouva…
La petite Annamite De ma rue Avait été L’sexe à jouer D’un Landru… …Un édile Pédophile Qui avoua Nul n’est censé Se dispenser De la loi
Je crains le pire Si ce satyr’ L’a brûlée Dans la ruell’ Aux poubelles « Circulez »… …A dit un flic
Énigmatiqu’ Y a rien à voir Chez les Blédards De Bell’ville
Ces femm’ là sont des dures à cuire Comm’ des Diane aux carquois de cuir Ell’ se préparent pour la chasse Sous le jupon, y a la cuirasse Ell’ ne font pas de sentiments, Ne croient plus au prince charmant Dans leurs besaces, sous les liasses De billets doux, y a la caillasse Ce sont des mantes religieuses Sous des apparences très pieuses Ell’ visent le super héros Pour tirer le bon numéro… Les courtisanes
Ell’ ramèn’ leur frais’ tagada Aux rendez-vous du tralala Sur les sofas, sous les lambris Des grands palais du Tout-Paris Ell’ font monter au septième ciel Des Rastignac ministériels Et des bellâtres en talonnettes En mal d’amour à la sauvette Ell’ fourrent lipstick et coco Dans leur baise-en-ville en croco Elles n’ont d’yeux que pour des Vuitton Pas pour des valises en carton… Les courtisanes
Elles se refont le portrait Face au miroir de Dorian Gray Avant d’enfouir au fond du sac Cette psyché qui les détraque Scarlettes ou bien Marie-Chantal En col Claudine ou en saroual Mi bécébégé mi caill’ra Bas résille et signe de croix Elles ont mis leur photographie En fond d’écran sur leur ordi Et les Narcisses midinettes Rêvent fort dans leurs kitchenettes…Aux courtisanes
Ell’ veul’ le pouvoir et le strass Et mêm’ l’aristo fin de race ! Sapé en Dolce Gabbana Mais c’est trop tard, ell’ z’ont déjà L’âge fatal de trente-trois C’est râpé pour la Un’ de Elle
Les magazines sont cruels Et tout finit à la poubelle Mêm’ les pipol’ métrosexuels ! Au demeurant, sans être fiel, J’persiste et signe mon libelle… Aux courtisanes
CHELMI : -Sous nos masques de Gilles À Dunkerque et à Lille On ne croit plus beaucoup Aux lendemains qui chantent Et l’on n’boit pour le coup Pas qu’du thé à la menthe ! Mais on se dit que la musique c’est ce qu’il y a de mieux pour se bouger le cul Tout en faisant passer nos idées ! Alors salut les carnavaleux de l’hexagone… Ca fait plaisir de savoir que, depuis Mulhouse tout près de Bâle, Y a Mamadou Martin et Zinédine N’Guyen qui marchent vers la capitale Mais si when in Rome do as Romans do Va falloir se policer un peu mon p’tit gars ! Et se creuser le citron pour faire passer nos revendications dans les media…
LA DARONNE : -Tu l'as dit bouffi my old chap avec ce vent là qui t’échappe Du fondement d’un cul saindoux vain Dieu, Montjoie, saint Denis ! Tu te la pètes dans les soirées de l’élite beurrée, bien arrosée, Et tous ces mendiants sans domicile qui tombent à l'eau, qui tombent à l'eau À la tombola des salauds ? Qu’est-ce que t’en fais ? Hein ? Est-ce que tu peux continuer à t’en battre les grelots Quand l’homm’ de paille touch’ le pactole dans un parking en sous-sol ?
CHELMI : - Bien sûr que non et voilà pourquoi, Sous nos masques de Gilles, À Dunkerque et à Lille Et sur les places publiques De Madrid et d’Athènes On scande tous en choeur, Même en période de Carême “Que se vayan todos !” . Qu’ils s’en aillent tous ! Et si selon les médiatiques Qui se croient grands communicants On n’a qu’à la fermer Alors sachez bien, Que si vous nous empêchez de rêver on vous empêchera de dormir On veut pas faire la une des magazines; on veut juste un boulot pas débile et correctement payé…...Je sais, je sais, tout ça c’est très prosaïque Mais pour écrire des poésies lyriques Faut déjà avoir la tête hors de l’eau Pour tremper sa plume dans l’encrier du ciel…
Plume Doigt En rêve, il m’arrive de revenir, tel un fantôme, dans la classe où j’ai appris à lire en maternelle. C’était il y a bien longtemps. Au temps des plumes Sergent Major. Et de ce qui va avec. À savoir l’esthétique des pleins et des déliés et le « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ». Le temps des compas qui piquent et des plumiers en bois. Rose buvard qui boit. Et blouses grises qui tapent sur les doigts. Bref, sur l’ardoise, la craie s’efface. Le tableau noir est devenu blanc et ma classe est morte. Il est vrai que je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… Depuis, d’ailleurs, on est passé au surligneur. Ensuite au feutre et au marqueur. Dans les couloirs, les souterrains, on a connu l’école du tag et puis du graffiti. Bon, j’arrête les frais : j’veux pas passer pour un aigri. Et j’aime pas trop la nostalgie. La litanie des « je m’souviens » ligne 7 bis à Botzaris ou ligne 13 au terminus Saint-Denis-Université. Graffeur, vétéran du rap plus cinq, niveau master. Mais voilà qu’aujourd’hui on essaie de nous fait croire aux vertus de la discrimination positive, version Sciences Pô, en Cheval de Troie de l’élitisme républicain et du combat pour la diversité. Pour qu’exceptionnellement, un Malamine, un Mamadou, fasse la Une des magazines pour son bagout et sa réussite en affaires. En attendant la pauvreté et le chômage augmentent encore. Tandis que les opérateurs de la téléphonie se font des golden « cojones » avec leurs gadgets post-modernes et leurs disques de platine. «* Et quand ton Walkman s’ra H.S., tu rachèteras un baladeur, t’auras d’la marque et ça s’ra ‘classe’. Quand j’rembobine, toi tu ‘rewinde’. Moi je suis franc, toi tu es cash. Moi VHS, toi DVD. Moi AVC, toi HIV. Y’a rien à voir, faut circuler ! ». Sans oublier de communiquer surtout ! Pour être vu. Se faire mousser. Au quart d’heure de célébrité. Alors qu’on n’a jamais autant souffert de solitude que depuis que la communication s’est sophistiquée. Et qu’on en arrive à se demander si les gens ont vraiment envie de crever l’abcès de leurs fixations. Portables, cellulaires et mobiles. Multifonctions, consommation. Faut pas penser : faut acheter ! Et voter avec un texto. Tarif plein pot. Moi je n’ai pas envie de m’exprimer de cette façon-là. Je veux déposer mon bulletin dans l’urne de la poésie. Et que, des cendres des manuels de littérature, renaisse le phénix des nouveaux troubadours. D’ailleurs, quand mon automne de « old timer » arrivera, je pratiquerai enfin l’alchimie de la poésie. En espérant que le plomb du quotidien se mue, de temps en temps, en or de fraternité. On peut rêver… Ne dit-on pas que rien ne se crée, rien ne se perd, que tout se transforme indéfiniment ? Au fil de la… Plume D’oie.
Quand ils auront gagné des millions Au casino d’Alamo Bay ou de Vegas
Si un jour ils décidaient de
les placer Ni vus ni connus par le fisc Sûr qu’ils partiront en fumée Un soir de grand krach à Wall Street La déflagration garantie Et tout ça pour des confetti…
Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’. L’invisible main nous blouse Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’. L’invisible main nous blouse…
Quand ils auront gagné des millions À la saut’rie des partis des politichiens Si un jour on tombait sur un homme intègre On ne s’rait pas pourtant quitte Rien ne nous est donné en kit Mêm’ si l’bond en avant est beau
Quand on espère un grand
sursaut Les Caiss’ de R’traite n’ont plus un flèche…
Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’. L’invisible main nous blouse Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’. L’invisible main nous blouse…
Quand ils auront gagné des millions Même sur le dos des chômeurs en fin de droits Si un jour on décidait qu’y en a marre De leurs magouill’, leurs traqu’nards On prendrait nos affaires en main Et l’on se mettrait en Commune Pour qu’on survive sur la Terre Vu qu’y a pas d’autres solutions Que de partager nos rations (et nos passions)
Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’. L’invisible main nous blouse Y’a plus d’pognon, y’a plus d’flouz’. L’invisible main nous blouse…
Plan large de la barre que l’on va dégommer Un monstre de béton que l’on va déraciner La foule est immobile, caméscopes en faction Le ministre est venu fêter la destruction
Un jeune homme en colère en a gros sur le cœur Alors face aux micros, devant les magnétos, Il parle des familles qui ont déménagé Pour un nouvel exil qui les met en danger
Une barre plombée, une mort programmée On entend le bruit sourd, elle vient de tomber
L’implosion n’a duré que deux petites secondes Si certains applaudissent d’autres pleurent ou s’effondrent
Beaucoup portent le deuil des quartiers dévastés De ces vaisseaux de pierre, de leur ombre portée Sur la jeunesse enfuie, les amis dispersés Les rires dans les couloirs et dans les escaliers. Un cameraman suit le jeune homme en colère Très gros plan sur ses larmes devant le tas de pierres…
Voilà c’est terminé,
circulez, circulez, Pour revoir les immeubles s’effondrer en poussière Quand des familles sans toit grelottent en plein hiver…
Paraît que leurs immeubles sont des bateaux fantômes dans la brume d'hiver...
Paraît que leurs immeubles ont le tatouage coriace Du tag à l'âme de la plus haute tour De guerre lasse Ils noircissent les murailles Du long poème de leurs rengaines voyou Ca les excite beaucoup Bien qu'au fond ils soient très doux Oui parfois ils jettent la pierre Dans les contre-allées tracées Au cordeau et à l'équerre des beaux jardins français Mais ne vous inquiétez pas Tant qu'ils rempliront leurs cabas Ils resteront là À tenir les murs Tenir les murs.
Paraît que leurs immeubles veulent larguer leurs amarres Qui les empêchent d'appareiller Ils en ont marre D'être entravés attachés, Avant de terminer tout de blanc bâchés Dans un costume de milord À l'heure de leur mise à mort Oui parfois ils jettent l'éponge Dans les vapeurs des alcools Des poudres et des colles à en perdre la boussole Mais ne vous faites pas de soucis Tant qu'ils rempliront leurs caddies Ils resteront là... À tenir les murs. Tenir les murs. ... Paraît que dans le bâtiment Quand tout va, tout va vraiment, Mais rien ne dure indéfiniment Au prochain soulèvement Ils seront tous là À faire tomber les murs
Tomber les murs.
La mobylette au carnaval des différences
Des nouveaux pauvres au Pont d’Tolbiac Croisent des émirs en Cadillac Et les clochards d’la Butte-aux-Cailles Chin’nt quelques thunes aux Laos-Thaïs En haut des tours de Chinatown Fils de Phnom-Penh, fill’ de Vientiane Fa-guo-tché-thaï-lio-ouane-zen-se* Neu-fap-donn’-tcha-o-n’gueuill’-ti-nann** Traduction : Vogue l’amour, jonques et sampans ! Paname accueill’ des survivants…
La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange Dans le commerce tu mouill’s la ch’mise Moi j’mang’ tes sushis, tes lychees
Considérations esthétiques Sur le racisme et sa pratique À la cafète, au restau U Dans l’arrièr’-salle du P.M.U. Avec des mots très différents C’est blanc bonnet et bonnet blanc Notre vieux pays se sclérose Et une évidence s’impose…
La Franc’ c’est comme un’ Mobylette, pour avancer faut du mélange Et quand Zidan’ marqu’ de la tête La rue se lève et fait la fête…
Mais, depuis 98, y a combien d’octanes au mélange pour que la France enfin décolle Et que la République change ?
Ouh là ! Là tu me poses une colle ! À Babelville et à Barbès J’en connais qui en font des caisses Pour plaire aux gazelles d’Haïti Qui font les soldes chez Tati Moi la vérité si je mens Je suis plus riche qu’un sultan Quand j’dans’ la biguin’ Plac’ des Fêtes Et la salsa rue d’la Roquette…
Au carnaval des différences
Elle a tout à gagner ma
France J’ai vu des djeuns’ rapper tes stances
La France c’est comme une mobylette pour avance faut du mélange Tu aim’s mon fromage, ma baguette Moi j’dans’ le raï dans tes baskets
La capitale c’est pittoresque Sono mondiale, rythmes mauresques Et quand les quartiers font la teuf’ Les franchouillards parient au turf Sous le fard des Pierrots gourmands
Et des Coluches chocolats Entre Bell’ville et Les Lilas
Au carnaval des différences Elle a tout gagner ma France Mon vieux Corneille c’est Byzance Et honni soit qui mal y pense
Mais loin de moi de dire : ‘Mélangez-vous donc, espèces de dégénérés ! Copulez avec qui vous voulez mais sachez que pour vivre ensemble, en société, Il faut plus d’un doigt pour manger le poulet… Quant à la question : « Que faire pour que la France enfin décolle ? » Là je réponds : « faut que tout le monde s’y colle ! »
New York sur Seine c’est du béton Pour tous les kids de la Nation Tu m’plais, t’as l’look Michaël Jackson On s’fait un’ bouffe, on s’téléphon Soigne ton styl’ tu s’ ras chébran Androgyn’ noir, adolescent T’es punk, techno ou néo-bab ? Non j’suis chômeur, en plus Arabe Et j’te paierai un lait framboise Quand les Maliennes s’ront des Suédoises…
La Franc’ c’est comme un’ mobylette, pour avancer faut du mélange Tu aim’ mon fromag’, ma baguett’ Moi j’fais d’la funk qui chansonnette …
Au carnaval des différences
les enfants du paradis dansent Qui donn’ le la et la cadence.
N.B. */MANDARIN **//VIETNAMIEN
Je m’ trimball’ le long des rails J’ vois personn’ de la journée Et quand l'estomac m' travaille Je braconn’ pour mon dîner Roulez Jeunesse !
C’est tout près des rails que j’crèche L’ tohu bohu du roulis M’ pouss’ quand j’ regagne à la fraîche La banquett’ qui m’ sert de lit Roulez Jeunesse. Choo choo express
Y paraît qu’j’suis né là Dans cette gar’ désaffectée Dans l’plus strict anonymat Et c’est là qu’on m’a trouvé Roulez Jeunesse !
Je couch’ dans la sall’ d’attente J’connais tous les bruits des trains Des Express et quand ça m’ chante Seul je voyag’ dans mon coin Roulez Jeunesse ! Choo-choo express
Allongé sur le ballast Quand j’regarde le train passer J’me dis qu’un jour enfin baste Ah’ j’pourrais bien m’éclater Roulez Jeunesse !
Quand je s’rai plus qu’un feu d’ paille Un souffle pur dans la nuit J’irai danser sur les rails Seul au rythme des boggies Roulez Jeunesse. Choo choo express
Je m’ balad’ le long des rails Et v’là soudain que j’décolle La cervelle qui défouraille Des pensées qui fus’t qui vol’nt Roulez jeunesse
Dans ma gar’ c’est vrai qu’ça caille Mais faut pas que je picole Non faut pas que je déraille Et j’veux pas finir en taule Rou-lez Jeunesse. Choo choo express
J’vais tout vous dir’ en noir sur blanc
J’aime flâner autour des
gares Je m’branche sur les courants d’art Roulez jeunesse
Je déclame à tire-larigot Je bois la nuit quand elle est noire À chacun son tout à l’égo Et à tous l’espoir des grands soirs
Rou-lez Jeunesse. Choo choo express
Choo-Choo Express (Ferroviaire groove)
Je marche sur le ballast et je ronge mon frein La micheline passe, je l’évite d’un coup d’rein Croyez pas que j’déraill’ là sur la voie ferrée J’ai le blues ferroviaire : j’aime le verbe errer Je regarde les mômes faisant leurs premières gammes Avec une bombe au chrome vandalisant les rames Au mépris du danger pour devenir des hommes Ils se croient à New York dans l’métro d’la Grosse Pomme…
Chop’ le rap de la gare dans un lieu pas ringard Qui pulse et puis qui groove au quai départ du mouv’
Je découvre une gare, désaffectée, magique Où les calligraphies se font cabalistiques Du lettrage le plus pur à la ligne la plus claire À la gloire d’une peinture s’exposant en plein air Je m’initie au style des graffiti-artistes Qui mettent des couleurs sur la ville aux murs tristes Déposant leurs brûlures aux friches des terrains vagues Et sur les palissades envahies par les tags…
Chop’ le rap de la gare dans un lieu pas ringard Qui pulse et puis qui groove au quai départ du mouv’
Je traque l’inspiration en dansant sur les rails D’un poème en action dédié à la canaille Qui parl’rait des apaches et du cheval de fer Rim’rait avec panache et sentier de la guerre Je regarde les avions, je suis leur trajectoire Qui frôle l’autoroute près de l’aérogare Le Trans-Europ Express qui bondit dans la nuit La micheline bondée qui file vers Paris…
Chop’ le rap la gare dans un lieu pas ringard Qui pulse et puis qui groove au quai départ du mouv’
Là dans la foul’ du Noctambus La nuit, l’hiver par temps de chien On y côtoie de drôl’ de gusses Le look survêt’, le styl’ Deschiens Longs cheveux gras, dents ébréchées Ca sent la sueur sous l’humérus L’asil’ de nuit, l’sommeil fauché L’aube douchée à l’Emmaüs…
J’ai le blues de la louse…
Foul’ bigarrée de jeun’ clodos Rien ne se dit mais tout se voit Moi j’gribouill’ avec mon stylo Les doigts engourdis par le froid J’écris l’histoire d’un Noctilien Qui f’rait la « Rtap’ » jusqu’à Clichy Sous-Bois du prolo francilien Dans les effluves Givenchy…
J’ai le blues de la louse…
Ce Magical Mystery Tour Nous conduirait vers des merveilles En zigzaguant entre les tours Et les bosquets de Montfermeil Pourtant ces typ’ s’ils se la jouent Encore un peu le genr’ guerrier Ils vous remuent comme un vaudou Qui roul’ dans leurs yeux d’fox terrier…
J’ai le blues de la louse, J’ai le blues de la louse, noctambus Blues.
Un morceau signé Docteur Tof Programmations et guitares funk Docteur Tof assure un maximum Docteur Tof vas-y mets la gomme N’amuse pas l’bitume Oublie la brume ! DocteurTof vas-y mets la gomme Docteur Tof maximum Docteur Tof a les boules, Docteur Tof pas cool Et pour oublier La nuit il se met un casque sur la tronche Et il fait partir les notes bleues DocteurTof est jazz Il aim’ ses pulsations Il a ça sous l’capot
Docteur Tof c’est vraiment
Tof Docteur Tof c’est « tough » c’est costaud C’est du Docteur Tof tempo Docteur Tof, Docteur Tof…
À propos tu connais la nouvelle ? Il paraît que nos immeubles sont inscrits à l’inventaire des bâtiments historiques ! Moi je n’aurais jamais cru qu’on pouvait classer nos HLM… De toute façon, toi ça te fait une belle jambe depuis que tu as compris que l’ascenseur social était toujours bloqué au sous-sol et qu’ils veulent tuer tous les affreux, les petits, les gros. Et même les vieux ! Alors moi je vais m’offrir un truc que je remets toujours à plus tard. Chiche ! Demain je consacre ma journée à visiter la Cité Jardin de Stains et le musée des cultures légumières de La Courneuve… À propos, ça t’intéresse toi le patrimoine de banlieue ? Pas vraiment hein…
…Ah ça oui : sur les pelouses de la louse t’adore chambrer les étudiants ; ceux qui bachotent, papotent et jasent autour d’un réchaud camping gaz. Pourtant t’as plus le droit de redoubler. En juin, tu vas encore zapper. Ton bac. Et va falloir trimer. Te trouver un job de coursier. Bouffer de l’oxyde de carbone, de l’hydrogène sulfuré. À haute dose, toute la journée, sur une mobylette louée. Qu’il pleuve, qu’il vente, la mauvaise pente. Avec ta caisse de pizzas, tu ne t’économiseras pas. De toute façon t’as pas le choix. Sauf te casser à Ibiza. Ou monter ta petite affaire, le dos au mur avec tes frères. Je ne te fais pas la morale. De toute façon, au bout du chemin, dans dix ans, t’auras encor’ toutes tes dents. Et peut-être bien que c’est toi qui te foutra alors de moi. Moi qui me pèle, de retour des Halles de Rungis, avec mon diplôme bac plus 6, à vendre frites et saucisses…
Je m’en vais mon chemin dans cette ville familière Où je suis né Poissons, ascendant Sagittaire Je me sens comme un dieu qui a perdu des larmes Transformées en étoiles pour les besoins du drame Je m’en vais mon chemin au travers du décor Je m’en vais mon chemin au travers du décor Je m’en vais mon chemin au travers du décor…
Souvent je pense à l’oasis Où un musulman solitaire et aveugle M’avait accueilli comme un fils Moi l'infidèle, le libertaire En me disant comme ça :
« Eh ! Roumi ! Sois le bienvenu ! Même si tu mordis dans la pomme de la gazelle défendue Viens avec moi dans ma guitoune Et lis-moi l’Histoire d’Hérodote Qui vit Babylone et l’Afrique Sache que je fuis le fanatique Et l’anathème de l’hystérique Qui n’a que la haine pour viatique Quant à ces loups de la finance Et leurs obligations pourries Qu’ils crèvent de leur arrogance Et qu’ils s’étouffent dans leur mépris ! Jamais ils ne connaîtront la paix du désert Quand la nuit dessine l’ombre de l’Aïr sur la dune, Que des silhouettes jouent du tindé Et que les palmiers s’étirent vers la lune …
Eh ! Roumi ! Sois le bienvenu ! Même si tu mordis dans la chair du « jalouf » qui m’est défendu. Viens avec moi dans ma guitoune Et je te raconterai l’histoire du chamelier…
Sur un dromadaire Il traverse le désert Il rêve d’eau de jardins verts
La soif a tué ses animaux Il a perdu tout son troupeau De ses moutons il était fier Quand il était berger hier
Sur un dromadaire Il traverse le désert Et pour lui tout est à refaire
Il est devenu marchand Pour vivre il achète et il vend A chaque halte dans le Sahel Il troqu’ le mil contre le sel
Il traverse le désert Où le soleil brûle la terre
Le vent se lève soudain Il entrevoit dans le lointain Sortis d’un nuage de poussière Des camions dans un bruit d’enfer
En un éclair il a compris Pour lui le désert c'est fini Bientôt la ville et la misère Il va traverser la frontière
À travers Les barbelés il voit la mer. |