Ecrit et interprété par
Michel Dréano avec la participation de Rose Téné
Réalisation :
Lauréline Kuntz et Grégoire de Castelbajac
ULYSSE NAVET, 1992
- 2012
Apprenant la future
rénovation de la rue Watt, Michel Dréano décide, par un
dimanche pluvieux du début des années 90, de se parer du
cliché vestimentaire du privé en imper et chapeau afin
de rendre un hommage sous forme de gag, volontairement
appuyé, à la chanson de Boris Vian ainsi qu’à l’univers
de Nestor Burma dans les lieux dessinés par Jacques
Tardi pour l’adaptation en B.D. de Brouillard au
pont de Tolbiac de Léo Malet. En présence des
fantômes qui hantent les polars de Melville, le héros
fictif se fera forcément « dessouder » d’une balle
perdue, provenant d’un bestiaire de tueurs, tous fumeurs
de Marlboro ou de Lucky Strike.
En off, la
chanson Ulysse Navet permet de se raccrocher à
une pseudo intrigue qui parle d’un privé viré par sa
secrétaire, errant, de Paname à La Garenne, entre zones
désaffectées et lieux du fantastique social urbain.
Un
film de Michel Dréano et Silvano Castano
Chanson : Ulysse
Navet
Auteur : Michel Dréano
Compositeur : Jacques
Deljéhier
Interprète : Michel
Dréano
Montage : Gustavo Nieto
Ulysse Navet
CHOO CHOO EXPRESS, 1992
- 2012
A l’aube
des années 90 trois B.boys et une Fly.girl se sont
donné rendez-vous sur les quais de la gare désaffectée
de Saint-Ouen (93). Ils y rencontrent des vidéastes
filmant la fresque des Bad boys crew (JayOne,
Skki et JonOne). Du coup, ces jeunes séquano-dionysiens
acceptent de faire les « silhouettes » de deux films en
cours de tournage. Celui, en vidéo 8, de Lemonnier et
celui, en super 8 et Beta, de Castano et Dréano.
Mise en abyme du «clip dans le clip » ?
La chanson acid jazz/old school
Choo-Choo Express ,
en off, sert de fil conducteur à cette archive visuelle
et sonore qui rend hommage aux fresques disparues des
premiers graffiti-artistes du temps des pionniers du hip
hop français.
Un film de Michel
Dréano et Silvano Castano
Chanson ;. Choo-Choo
Express, rap de la gare
Auteur : Michel Dréano
Compositeur :
Christophe Guillot
Interprètes : Michel
Dréano et Kay
Montage : Gustavo Nieto
Choo Choo
Express - Ferroviaire Groove
A ma zone, 1997
Il est toujours difficile de remonter le temps et de
parler de son enfance. Mais à l’âge de 45 ans, en 1997,
j’ai éprouvé le besoin impérieux de le faire. Pour un
paquet de raisons que je ne peux toutes expliquer ici.
Je venais de terminer Ca va sauter, un
documentaire difficile. Et j’avais pas mal souffert. Il
me fallait donc m’en sortir par le haut en tentant
l’exercice difficile du documentaire personnel de
création. Apprenant la disparition de l’immeuble de mon
enfance, j’ai trouvé le prétexte et l’élément
dramaturgique pour mener mon enquête intime. À
l’occasion de la sortie de la VHS, j’avais rédigé un
petit texte auquel je n’enlèverai pas une ligne
tellement il me semble restituer, le climat particulier
de ce 52’. Le voici : « Peut-être n’est-on jamais que
d’un seul pays, celui de son enfance… Ce pays, c’est un
essaim de souvenirs personnels, en poudres, en grains,
L’odeur âcre du pneu brûlé, l’arôme du café dans la
rosée du matin, la réclame à la radio pour la
brillantine Forvil. Mon pays c’est « la zone ». Un
entre-deux géographique entre Paris et sa banlieue, un
espace libre, aujourd’hui avalé par le périph’… »
 
A
ma zone
Souvenirs de la "zone" qui entourait Paris avant
la construction du périphérique - 1997
Ça va sauter,
chronique d’une cité, 1996
En 1995 alors que je travaille
régulièrement, en freelance, à la fois pour une agence
audiovisuelle et pour le Journal de Saint-Denis,
hebdomadaire de la ville du même nom, je reçois une
proposition de contrat de réalisation pour six mois. Il
s’agit en l’occurrence d’aider deux jeunes en formation
à réaliser leur projet de documentaire. J’apprendrai
plus tard que j’ai été choisi dans la mesure où, sur le
papier, je suis le parfait go-between entre mes deux
employeurs (également
coproducteurs) et les jeunes du
quartier qui m’avaient remarqué depuis mon immersion
dans le milieu hip hop local. Sans oublier aussi les
associations de locataires que je connaissais bien.
L’incident
déclencheur du documentaire est l’implosion du B3 de
Franc-Moisin de Saint-Denis, prévue à la rentrée 95.
Côté production, l’idée qui prévaut est de permettre aux
deux documentaristes en herbe de mettre en forme leur
regard et leur pensée sur le quotidien des banlieusards
(jeunes ou plus âgés) vivant dans un quartier dit
« sensible » du 9.3. L’un est un Français d’origine
maghrébine et l’autre, Africain, a gardé sa nationalité
ivoirienne. Le premier habite encore la cité qui est le
sujet du film ; l’autre vit aux Bosquets à Montfermeil.
Ils ont 28 ans tous les deux et moi j’en ai 45. Nous
n’avons pas le même regard sur la réalité. Mais vaille
que vaille -c’est le pari- il s’agit, au forceps, de
« brasser et de croiser nos regards ». Et surtout, comme
un contrat a été signé avec la Cinquième, il faut
fournir chaque semaine un feuilleton de 5’ sur la vie
des habitants de Franc-Moisin. Et l’on me juge capable,
sur le long terme, d’avoir à la fois l’autorité mais
aussi l’empathie pour cette jeunesse défavorisée qui
veut tordre les clichés négatifs plaqués sur elle. Le
52’ qui en sortira sera médiatisé et souvent diffusé.
Ça va sauter
Implosion du Bâtiment 3 de la cité de Franc-Moisin
Saint-Denis - 1995
Passe ton rap
d’abord, 1991
Une photographie sonore et sociologique du hip hop
français à l’heure de son explosion en banlieue
parisienne et plus précisément dans un périmètre situé
entre Saint-Denis, La Courneuve et Paris. Parmi les
nombreux B. boys rencontrés, j’ai choisi de suivre Aliby
et son copain Tony dans leur quête de reconnaissance
dans le monde du rap business. Aliby, un Français
d’origine haïtienne (né en 1975 il se fera connaître au
début des années 2000 sous le pseudo d’Alibi Montana)
n’est encore qu’un adolescent de 16 ans. Orienté en
section technologique, il a deux ans de retard et cumule
les difficultés depuis la mort récente de son père,
causée par le sida. Ayant écrit sur commande une chanson
pour une campagne du Crips (Capitaine K.Pote ) il
est repéré par deux producteurs qui essaient de lui
faire enregistrer un duo de variété insipide avec une
Lolita qui se trouve être la nièce d’un des deux
producteurs. Entre sa passion authentique pour le
hip-hop, dont il vit au quotidien l’évolution rapide,
son souci d’intégrité, son goût pour la poésie et son
attirance pour l’argent facile, Aliby finit par se
rendre compte de la manipulation des producteurs ; tout
en essayant de profiter de son début de médiatisation.
Le film a
été coréalisé avec Silvano Castano, un documentariste
italien.
Passe ton rap d’abord
Les
débuts d'Alibi Montana en 1991
Isaac Morzel,
mémoires d’un immigré, 1998
Fasciné par l’histoire de l’oncle de mon
épouse, immigré de sa Galicie natale en 1919 et arrivé à
Paris en 1922, j’ai
obtenu, en 1998, le feu vert pour réaliser un numéro de
la collection « Mémoire de Parisiens » de la Vidéothèque
de Paris, devenue depuis le Forum des Images.
Isaac
Morzel, alors âgé de 90 ans et toute sa tête, me
semblait être le dernier représentant authentiquement
bellevillois de l’ancienne classe ouvrière
judéo-ashkenaze.
Force de la nature, Isaac, dit « Francis », possède une
présence digne d’un Charles Vanel. Son accent yiddish
croustillant fait merveille quand il raconte ses
premiers jobs chez Renault dans les années 20 puis ses
débuts dans les ateliers juifs d’avant-guerre. Il
témoigne aussi de l’élan incroyable de 1936 et fait état
de ses contradictions. Car si son engagement de militant
communiste l’a amené à rejeter son éducation religieuse,
il se revendique avant tout libertaire et admet avoir
« avalé pas mal de couleuvres ».
Un personnage touchant, complexe et
complexé, qui croyait en une sorte de transcendance
laïque. Un ouvrier cultivé, capable de citer autant
Gramsci (partagé qu’il est, entre « le pessimisme de
l’intelligence et l’optimisme de la volonté ») que le
philosophe catholique Jean Guitton… Francis avoue avoir
refusé des propositions de mise à son compte dans le
milieu de la maroquinerie ; et ce afin de pouvoir
« rester fidèle au milieu ouvrier et à son idéologie
‘classe contre classe’ ». C’est ce qui m’a intrigué chez
lui. La fêlure qu’il portait en lui malgré son énergie
vitale me touchait vraiment. Il est malheureusement
décédé avant d’avoir vu ce portrait.
Isaac Morzel, mémoires d'un immigré
Jean Weinfeld,
citoyen du Bauhaus, 1993
Un
documentaire diffusé par France 3 qui retrace la vie de
Jean Weinfeld, ancien kibboutznik, ex-élève du Bauhaus.
Architecte, fabricant de jouets et d’instruments de
musique, metteur en scène, cet « intellectuel artisan »
a eu plusieurs vies. Son enfance discriminée en Pologne,
son apprentissage sur le tas de l’architecture en
Palestine sous mandat britannique puis son installation
en France en 1933, après trois petites années cruciales
dans l’Allemagne de la République de Weimar. En
compagnie du dramaturge Erwin Piscator à Berlin en 1929,
suivies de son passage au Bauhaus de Dessau, entre 1930
et 1932.
Ce seront
ses Fonics, d’étranges instruments à cordes, qu’il
commence à dessiner à l’âge de 75 ans, qui le feront
connaître au soir de sa vie et lui assureront des
expositions un peu partout dans le monde occidental. En
octobre 1991, Weinfeld est retourné, soixante ans après,
dans l’école dont il fut chassé à cause de ses prises de
positions politiques. De nombreux souvenirs lui
reviennent, joyeux et douloureux à la fois. Son
témoignage, outre l’intérêt historique et politique de
ses rencontres avec des hommes illustres, résonne comme
un bilan du XXe siècle. Et l’on comprend comment cet
homme a été modelé par trois expériences communautaires
fondatrices. Dans la Palestine des kibboutz, dans
l’Allemagne d’avant-guerre et en captivité à
Saint-Denis.
J’ai rencontré Jean
Weinfeld le 14 juillet 1989 et je suis resté en contact
amical, presque intime avec lui, jusqu’à sa disparition
le 11 juillet 1992.